Page:Kropotkine - La Conquête du pain.djvu/22

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chantiers et nos voies ferrées, sans les amas de marchandises transportées chaque jour par mer et par terre ?

Des millions d’êtres humains ont travaillé à créer cette civilisation dont nous nous glorifions aujourd’hui. D’autres millions, disséminés dans tous les coins du globe, travaillent à la maintenir. Sans eux, il n’en resterait que décombres dans cinquante ans.


Il n’y a pas jusqu’à la pensée, jusqu’à l’invention, qui ne soient des faits collectifs, nés du passé et du présent. Des milliers d’inventeurs, connus ou inconnus, morts dans la misère, ont préparé l’invention de chacune de ces machines dans lesquelles l’homme admire son génie. Des milliers d’écrivains, de poètes, de savants, ont travaillé à élaborer le savoir, à dissiper l’erreur, à créer cette atmosphère de pensée scientifique, sans laquelle aucune des merveilles de notre siècle n’eût pu faire son apparition. Mais ces milliers de philosophes, de poètes, de savants et d’inventeurs n’avaient-ils pas été suscités eux aussi par le labeur des siècles passés ? N’ont-ils pas été, leur vie durant, nourris et supportés, au physique comme au moral, par des légions de travailleurs et d’artisans de toute sorte ? N’ont-ils pas puisé leur force d’impulsion dans ce qui les entourait ?

Le génie d’un Séguin, d’un Mayer et d’un Grove ont certainement fait plus pour lancer l’industrie en des voies nouvelles que tous les capitalistes du monde. Mais ces génies eux-mêmes sont les enfants de l’industrie aussi bien que de la science. Car il a fallu que des milliers de machines à vapeur transformassent d’année en année, sous les yeux de tous, la chaleur en force dynamique, et cette force en son,