Page:Kropotkine - La Conquête du pain.djvu/234

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tenant une organisation de la production et de la consommation qui est née de la propriété privée.

Ils proclament un principe révolutionnaire et ignorent les conséquences que ce principe doit inévitablement amener. Ils oublient que le fait même d’abolir la propriété individuelle des instruments de travail (sol, usines, voies de communication, capitaux) doit lancer la société en des voies absolument nouvelles ; qu’il doit bouleverser de fond en comble la production, aussi bien dans son objet que dans ses moyens ; que toutes les relations quotidiennes entre individus doivent être modifiées, dès que la terre, la machine et le reste sont considérés comme possession commune.

« Point de propriété privée », disent-ils, et aussitôt ils s’empressent de maintenir la propriété privée dans ses manifestations quotidiennes. « Vous serez une Commune quant à la production ; les champs, les outils, les machines, tout ce qui a été fait jusqu’à ce jour, manufactures, chemins de fer, ports, mines, etc., tout cela est à vous. On ne fera pas la moindre distinction concernant la part de chacun dans cette propriété collective.

« Mais dès le lendemain, vous vous disputerez minutieusement la part que vous allez prendre à la création de nouvelles machines, au percement de nouvelles mines. Vous chercherez à peser exactement la part qui reviendra à chacun dans la nouvelle production. Vous compterez vos minutes de travail et veillerez à ce qu’une minute de votre voisin ne puisse pas acheter plus de produits que la vôtre.

« Et puisque l’heure ne mesure rien, puisque dans telle manufacture un travailleur peut surveiller six métiers de tissage à la fois, tandis que dans telle au-