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IV


Les maraîchers, disions-nous, sont contraints de se réduire à l’état de machines et de renoncer à toutes les joies de la vie pour obtenir leurs récoltes fabuleuses. Mais ces rudes piocheurs ont rendu à l’humanité un immense service en nous apprenant que l’on fait le sol.

Ils le font, eux, avec les couches de fumier qui ont déjà servi à donner aux jeunes plantes et aux primeurs la chaleur nécessaire. Ils font le sol en si grandes quantités que chaque année ils sont forcés de le revendre en partie. Sans cela, leurs jardins s’exhausseraient chaque année de 2 à 3 centimètres. Ils le font si bien que (c’est Barral, dans le Dictionnaire d’agriculture, à l’article Maraîchers, qui nous l’apprend), dans les contrats récents, le maraîcher stipule qu’il emportera son sol avec lui, lorsqu’il abandonnera la parcelle qu’il cultive. Le sol emporté sur des chars, avec les meubles et les châssis — voilà la réponse que les cultivateurs pratiques ont donnée aux élucubrations d’un Ricardo, qui représentait la rente comme un moyen d’égaliser les avantages naturels du sol. « Le sol vaut ce que vaut l’homme » — telle est la devise des jardiniers.


Et cependant, les maraîchers parisiens et rouennais se fatiguent trois fois plus que leurs frères de Guerne-