Page:Kropotkine - La Conquête du pain.djvu/48

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En nous plaçant à ce point de vue général, synthétique, de la production, nous ne pouvons pas admettre avec les collectivistes, qu’une rémunération proportionnelle aux heures de travail fournies par chacun à la production des richesses puisse être un idéal, ou même un pas en avant vers cet idéal. Sans discuter ici si réellement la valeur d’échange des marchandises est mesurée dans la société actuelle par la quantité de travail nécessaire pour les produire (ainsi que l’ont affirmé Smith et Ricardo, dont Marx a repris la tradition), il nous suffira de dire, quitte à y revenir plus tard, que l’idéal collectiviste nous paraît irréalisable dans une société qui considérerait les instruments de production comme un patrimoine commun. Basée sur ce principe, elle se verrait forcée d’abandonner sur-le-champ toute forme de salariat.


Nous sommes persuadés que l’individualisme mitigé du système collectiviste ne pourrait exister à côté du communisme partiel de la possession par tous du sol et des instruments de travail. Une nouvelle forme de possession demande une nouvelle forme de rétribution. Une nouvelle forme de production ne pourrait maintenir l’ancienne forme de consommation, comme elle ne pourrait s’accommoder aux anciennes formes d’organisation politique.

Le salariat est né de l’appropriation personnelle du sol et des instruments de production par quelques-uns. C’était la condition nécessaire pour le développement de la production capitaliste : il mourra avec elle, lors même que l’on chercherait à le déguiser sous forme de « bons de travail ». La possession commune des instruments de travail amènera