Page:Kropotkine - La Conquête du pain.djvu/92

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Des citoyens, des citoyennes de bonne volonté, s’appliqueront sur-le-champ à inventorier ce qui se trouvera dans chaque magasin, dans chaque grenier d’abondance. En vingt-quatre heures la Commune révoltée saura ce que Paris ne sait pas encore aujourd’hui, malgré ses Comités de statistique, et ce qu’il n’a jamais su pendant le siège, — combien de provisions il renferme. En deux fois vingt-quatre heures on aura déjà tiré à des millions d’exemplaires des tableaux exacts de toutes les denrées, des endroits où elles se trouvent emmagasinées, des moyens de distribution.

Dans chaque pâté de maisons, dans chaque rue et chaque quartier, se seront organisés des groupes de volontaires — les Volontaires des Denrées — qui sauront s’entendre et se tenir au courant de leurs travaux. Que les baïonnettes jacobines ne viennent pas s’interposer ; que les théoriciens soi-disant scientifiques ne viennent rien brouiller, ou plutôt, qu’ils brouillent tant qu’ils voudront, pourvu qu’ils n’aient pas le droit de commander ! Et, avec cet admirable esprit d’organisation spontanée que le peuple, et surtout la nation française, possède à un si haut degré dans toutes ses couches sociales, et qu’on lui permet si rarement d’exercer, il surgira, même dans une cité aussi vaste que Paris, même en pleine effervescence révolutionnaire, — un immense service librement constitué, pour fournir à chacun les denrées indispensables.

Que le peuple ait seulement les coudées franches, et en huit jours le service des denrées se fera avec une régularité admirable. Il ne faut jamais avoir vu le peuple laborieux à l’œuvre ; il faut avoir eu, toute sa vie, le nez dans les paperasses, pour en douter. Parlez de l’esprit organisateur du Grand Méconnu, le Peuple,