Page:Léouzon le Duc - Le Kalevala, 1867.djvu/325

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
267
vingt-sixième runo

émeut point, il ne recule pas pour si peu. Apporte-moi ma cotte de mailles, ma vieille armure de guerre ; j’irai moi-même chercher le glaive de mon père, je prendrai le glaive qu’il m’a laissé en héritage. Longtemps il est resté caché, engourdi par le froid, et il a pleuré, il a regretté sans cesse celui qui l’a porté jadis[1]. »

On apporta à Lemminkäinen sa cotte de mailles, sa vieille armure de guerre ; il prit lui-même le glaive éternel, le compagnon des combats de son vieux père, et il en appuya fortement la pointe sur la solive du plancher. Le glaive plia sous sa main comme la fraîche couronne du putier, comme un tendre genevrier, et, d’une voix pleine de menace, le héros dit : « Non, il n’est personne dans les demeures de Pohjola, personne dans l’enceinte de Sariola[2] qui ose affronter ce glaive, qui ose regarder fixement cette lame étincelante ! »

Et il détacha son arc, son puissant arc du mur où il était suspendu, et il éleva la voix, et il dit : « J’appellerai un homme, je tiendrai pour un héros celui qui pourra bander cet arc, qui pourra faire plier cette tige d’acier, dans les demeures de Pohjola, dans l’enceinte de Sariola. »

Alors, le joyeux Lemminkäinen, le beau Kaukomieli revêtit sa cotte de mailles, sa vieille armure de guerre, et, appelant son esclave, il lui dit : « Ô esclave acheté, esclave acquis à prix d’argent, hâte-toi de harnacher mon cheval de bataille et de l’atteler à mon traîneau,

  1. Ici le texte original est magnifique d’expression.

    « Tuo malle sotisopani,
    « Vanhat vaino-vaatteheni,
    « Itse käyn isoni miekan,
    « Katson kalvan taattoseni,
    « Viikon on vilussa ollut,
    « Kauan kaihossa siassa,
    « Itkenyt ikansa siella,
    « Kautajata kaipaellut ! »

  2. Voir page 56, note 2.