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quarante-septième runo

le sein d’un rocher aux flancs tachetés ; elle cacha[1] le soleil, pour l’empêcher de rayonner, dans les entrailles d’une montagne de cuivre ; puis elle éleva la voix et elle dit : « Ô lune, ô soleil, vous ne pourrez sortir d’ici pour répandre, de nouveau, votre lumière, qu’autant que je viendrai moi-même vous délivrer, que je viendrai vous chercher avec neuf étalons nés d’une seule cavale ! »

Et quand elle eut ainsi enfoui la lune, quand elle eut enseveli le soleil dans le rocher de pierre, dans la montagne de fer de Pohjola, elle alla dérober le feu, éteindre les lumières dans les tupas[2] de Wäinolä, dans les piirtet[3] de Kalevala.

Alors, une nuit sans fin, une nuit ténébreuse et impénétrable s’étendit sur ces régions désolées ; elle s’étendit même jusqu’à travers le ciel, jusqu’aux sphères éthérées où trône Ukko.

Il est cruel d’être privé de feu, il est douloureux d’être privé de lumière ; les hommes en périssaient d’ennui, Ukko lui-même en souffrait tristement.

Ukko, le dieu suprême, le grand créateur de l’air, se mit à méditer sur cet événement sinistre ; il se demanda quel voile étrange couvrait la lune, quelle ombre mystérieuse masquait le soleil, puisque la lune avait cessé de briller, le soleil de rayonner.

Il explora la région des nuages, il longea les frontières du ciel, les jambes couvertes de bas bleus, les pieds de chaussures bigarrées, cherchant les astres perdus ; mais il ne trouva point la lune, il ne rencontra point le soleil.

Alors, le dieu de l’air frappa son glaive flamboyant contre son ongle, sa lame aiguë contre son genou, et il en fit jaillir une étincelle dans les hauteurs du ciel, au milieu des étoiles.

  1. Le texte dit : chanta lauloi, c’est-à-dire cacha par la vertu de ses chants magiques. Il s’agit ici, en effet, d’un exploit de magie peu ordinaire.
  2. Voir page 37, note 2.
  3. Voir page 28, note 2.