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INTRODUCTION

Yogâcâra va chercher le principe de sa doctrine. Hardiment il se réclame du Yoga et par là il est vraiment le continuateur du bouddhisme primitif. Le Yoga est d’origine inhérent à l’esprit hindou ; il représente les premiers essais de la spéculation qui s’exerce sur les données de la magie, de la vision et de l’extase ; il a toujours conservé dans son bagage les vieilles recettes des sorciers en quête de pouvoirs surnaturels ; mais l’Inde y affirme de bonne heure son génie d’observation interne par l’analyse et la classification des états mystiques. Tous les systèmes philosophiques sont solidaires du Yoga ; ils partent des données immédiates de l’intuition pour les accorder vaille que vaille avec la réalité sensible. Le chef-d’œuvre de la poésie et de la pensée brahmanique, la Bhagavad-gîtâ, procède expressément du Yoga. La biographie du Bouddha est toute pénétrée du Yoga ; ses deux maîtres professent des théories du Yoga ; avant d’atteindre à la suprême Illumination, il passe lui-même par les quatre extases classiques du Yoga. On a signalé souvent l’évidente parenté d’une quantité de termes techniques dans le bouddhisme et dans le Yoga[1]. Le Petit Véhicule n’a jamais cessé de prescrire et d’enseigner des exercices mystiques directement empruntés au Yoga.

Mais si le Bouddhisme et le Yoga s’étaient sans cesse pénétrés, pour opérer leur fusion intime il ne fallait pas moins qu’une révolution. L’union mystique, et le Yoga en est une comme son nom l’exprime, suppose nécessairement deux termes apparentés de nature, quoique différents de degré ; dans une effusion qui ressemble aux transports de l’amour, et qui leur emprunte volontiers leur langage, l’un se livre, l’autre possède, et dans ce mariage symbolique l’Être se perçoit dans sa plénitude, sa totalité, son éternité, source de bonheur ineffable et d’inépuisable activité. Le dogme du Vide, admis par l’Église, n’opposait qu’un obstacle apparent à la solution mystique ; en fait, il mettait sur la voie. Il représentait une expérience mystique déjà poussée, mais arrêtée encore trop tôt ; il répondait à ce stage d’entraînement où la conscience et la volonté ont graduellement aboli tous les signes, juste avant l’irruption éblouissante de l’absolu agis-

  1. V. spécialement Senart, Bouddhisme et Yoga, dans Rev. Hist. Relig., 1900, nov.-déc., et Conférences du musée Guimet, 1907 : Origines Bouddhiques.