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CHAPITRE I

qu’on y mette, on n’arrivera pas au but visé. C’est le cas de la corne qu’on veut traire avec un soufflet. Et de plus il est enseigné ici comment le Bodhisattva doit s’y prendre. — Il n’a pas pareil enseignement ; donc le Véhicule des Auditeurs ne peut pas être le Grand Véhicule, car on n’y retrouve pas ce même enseignement.

Le Véhicule des Auditeurs et le Grand Véhicule sont, avons-nous dit, en mutuelle contradiction. Un vers sur cette contradiction mutuelle.

10. Tendance, enseignement, emploi, soutènement, temps, y sont en contradiction. Donc, l’inférieur est vraiment le Petit.

Comment donc en contradiction ? Il y a entre eux cinq contradictions : de tendance, d’enseignement, d’emploi, de soutènement, de temps. En effet, dans le Véhicule des Auditeurs, la Tendance va au Parinirvâṇa du Moi ; l’enseignement va dans le même Sens ; dans le même Sens aussi l’emploi ; le soutènement est réduit, et tient tout entier dans les Provisions de mérites et de savoir ; et il faut peu de temps pour atteindre le but, trois naissances y suffisent. Dans le Grand Véhicule, tout est à l’inverse. Par suite de cette contradiction mutuelle, le Véhicule qui est inférieur est vraiment le Petit ; et il ne peut pas être le Grand Véhicule.

On dira peut-être : l’Indice de la parole du Bouddha, c’est qu’elle figure dans le Sûtra, qu’elle se montre dans le Vinaya, et qu’elle ne va pas à l’encontre de l’Idéalité[1]. Or, il n’en va pas

  1. La définition du Buddhavacana donnée par le Bouddha lui-même dans le Mahâparinibbâna sutta (Dîghanikâya XVI, 4, 8 sqq.) ne contient que les deux premiers termes : tâni ce sutte otâriyamânâni vinaye sandissayamânâni sutte c’eva otaranti, vinaye ca sandissanti, niṭṭhaṃ ettha gantabhaṃ : Addâ idaṃ tassa Bhagavato vacanaṃ… ti. Mais Asaṅga se réfère au Dîrghâgama sanscrit, qu’il cite exactement. La version chinoise de cet Âgama, au passage correspondant (Tôk. XII, 9, 15a) dit : « Si le propos est fondé (yi) sur le Sûtra, est fondé sur le Vinaya, est fondé sur le Dharma, alors il faut dire : Ce propos est vraiment ce qu’a dit le Bouddha. » Le traducteur chinois a fondu dans une expression uniforme les nuances soigneusement marquées par le sanscrit et le pâli, avatarati pour le sûtra, saṃdṛçyate pour le Vinaya. Le pali a négligé ou ignoré le troisième terme ; mais l’expression s’y retrouve dans un texte d’une époque plus basse. Childers (J. R. A. S., n. s. IV, p. 329) cite un passage de la Culla-sadda-nîti qui porte : Bhagavâ pana dhammasabhâvaṃ avilomento tathâ tathâ dhammadesanaṃ niyameti.