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CHAPITRE I

qui est profond ; pourquoi le profond serait-il inaccessible à la Dialectique ? pourquoi le salut exclusivement pour ceux qui connaissent le sens profond ? » Autant de raisons de s’effrayer qui sont déplacées.

Si on s’effraie en se disant : « Je ne comprendrai pas », c’est un tort. Si on s’effraie en se disant : « Un Bouddha même ne comprend pas une question profonde ; qu’aurait-il donc de profond à enseigner ? », c’est un tort. Si on s’effraie en se disant : « Pourquoi le profond serait-il inaccessible à la Dialectique ? », c’est un tort. Si on s’effraie en se disant : « La délivrance n’est que pour ceux qui connaissent le Sens profond ; elle n’est pas pour les dialecticiens », c’est un tort.

L’incrédulité même apporte une preuve ; un vers.

18. Si l’être qui a une croyance inférieure, qui est d’un Plan[1] inférieur, qui est entouré de pauvres camarades, n’a pas la Croyance dans cet Idéal si bien prêché en sublimité et en profondeur, la preuve est faite.

L’être qui a une croyance inférieure, qui se trouve sur un Plan inférieur, en fait de Pratique de la Sensation du Tréfonds[2], qui est

  1. Dhâtu. Les sens de ce mot sont très variés ; il signifie « élément primordial, métal, racine verbale, région, monde, relique ». Le tibétain le rend par khams qui en a pris toutes les acceptions, mais qui semble signifier spécialement « territoire ». Le chinois a adopté comme équivalent kiai « limite, frontière ». Les listes canoniques des dhâtu montrent la variété des notions attachées à ce mot : Les 2 dhâtu, c’est l’élaboré (saṃskṛta) et l’inélaboré (asaṃskṛta). Les 3 dhâtu, c’est désir (kâma), forme (rûpa), sans-forme (arûpa) [ou barrage (nirodha)]. Les 4 dhâtu, c’est la terre, l’eau, le feu, l’air. Les 6 dhâtu sont les quatre précédents, plus l’espace (akâça) et la sensation (vijñâna). Les 18 dhâtu sont les six organes des sens, leurs six objets, et leurs six sensations. L’idée centrale reste toujours celle de « élément primordial, original, principe ».
  2. Âlaya-vijñâna. C’est une création du Mahâyâna, énoncée déjà dans le Mahâyâna-çraddhotpâda d’Açvaghosa, mais transposée par les Yogâcâras. M. Suzuki a analysé dans le Muséon la théorie de l’Âlaya-vijñâna exposée par Asaṅga lui-même dans le Mahâyâna-saṃparigraha çâstra. « Il est appelé âlaya parce que toutes les créatures et tous les objets souillés y sont déposés en réserve, sous la forme de semences, et parce que ce vijñâna, étant déposé en réserve dans tous les objets, est la raison d’être de leur existence, et parce que tous les êtres pensants, en prenant possession de ce vijñâna, s’imaginent que c’est leur propre moi. » L’âlaya-vijñâna est aussi appelé citta » la pensée » (aussi dans notre texte, XIX, 76) ; il faut bien le distinguer du manas ; le manas n’a rien en soi qui lui suggère