Page:La Harpe - Abrégé de l’histoire générale des voyages, tome 1.djvu/168

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palme dans la main. Devant lui marchait le prêtre Del Cazal, portant le même crucifix qu’il avait eu au combat, et l’étendard royal à son côté. À sa suite venait Djezzar-Khan, l’un des chefs ennemis. Six cents prisonniers couverts de chaînes et les yeux baissés fermaient le cortége. Une multitude de chariots portaient le canon et les armes enlevés à l’ennemi. Toutes les femmes de la ville, à leurs fenêtres, jetaient des fleurs et des parfums sur le vainqueur. La reine de Portugal, Catherine, disait que Castro avait vaincu comme un chrétien, et triomphé comme un païen. Des récompenses extraordinaires l’attendaient encore à Lisbonne. Le roi lui continuait son gouvernement sous le titre de vice-royauté. Son fils était nommé amiral des mers de l’orient. Mais cette singulière destinée, qui ne voulait pas que les héros de l’Inde jouissent de leur bonheur et de leur gloire, atteignit Castro au milieu de ces honneurs. Il succomba, à l’âge de quarante-huit ans, à une maladie de langueur produite par le chagrin que lui causait depuis long-temps la mauvaise administration des affaires dans les établissemens portugais, et l’inévitable décadence qu’il prévoyait au milieu de tant de corruption. Ses exploits l’avaient mis au rang des héros, et le genre seul de sa mort prouverait à quel point il était citoyen, quand toute sa conduite n’en aurait pas été un continuel témoignage. C’était vraiment un de ces hommes extraordinaires,