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Page:La Harpe - Abrégé de l’histoire générale des voyages, tome 1.djvu/25

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l’aient obligé à perdre tant de temps à dire du mal des autres, et à se défendre ensuite contre les ennemis qu’il se faisait tous les jours en exerçant un si triste métier. La plus furieuse épigramme qu’on ait jamais faite sur lui, est le mot de Champfort, mot cruel, mais que Tacite n’eût pas désavoué : « C’est un homme qui se sert de ses défauts pour cacher ses vices. » Il ne faut pas oublier que Champfort avait été l’objet d’épigrammes non moins sanglantes. Cependant il est vrai que Laharpe scandalisa un peu le public par les hommages publics et éclatans qu’il rendit à une danseuse d’une mauvaise réputation. Une maladie de peau qui suivit ces amours, et dont la médisance fit une lèpre, attira au mauvais poëte de nouveaux lazzis. Sophie Arnoud prétendait que cette lèpre était la seule chose que Laharpe eût des anciens.

Ce qui prouve encore contre Laharpe, c’est qu’ayant été chargé d’une correspondance littéraire par le grand-duc Paul de Russie, il y déchira à belles dents des ouvrages dont il avait presque dit du bien dans les feuilles publiques. Un homme qui souffle le chaud et le froid ne peut être très-estimable, à moins qu’on ne veuille dire pour l’excuse de Laharpe, qu’il ménageait par égard la réputation des auteurs contemporains devant le public, et qu’il ne voyait pas d’inconvénient à dire toute la vérité à un étranger dont il était en quelque sorte le confident. En ce cas il aurait fallu parler moins de soi-même, et prendre des précautions pour empêcher que cette correspondance confidentielle ne vît jamais le jour. Ce fut, au contraire, lui qui donna de la publicité à ces lettres haineuses. Pendant le séjour du grand-duc à Paris, Laharpe, son correspondant, eut occa-