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Page:La Motte-Fouqué - Ondine, Hachette, 1913.djvu/185

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tenant pour obtenir ce qui lui avait été refusé jadis, malgré ses pleurs, Bertalda, entourée de ses femmes, se mit au balcon pour suivre le travail des hommes. Ceux-ci se hâtaient d’obéir, tout en soupirant à la pensée qu’on détruisait un ouvrage commandé par la douce maîtresse qu’ils regrettaient.

La besogne fut beaucoup moins dure qu’on ne le supposait. C’était comme si une force intérieure aidait à enlever la pierre.

— Ne dirait-on pas, chuchotaient les serviteurs surpris, que cette fontaine est devenue un jet d’eau ?

Enfin, sans que les ouvriers eussent fait d’effort, la pierre se trouva descellée, elle roula sur le sol avec fracas, tandis qu’une colonne d’eau, très blanche, sortait du puits. On crut d’abord que c’était un jet d’eau, mais bientôt on distingua une jeune femme, pâle comme une morte, couverte de longs voiles blancs, qui pleurait en levant ses bras vers le ciel. Elle se dirigea lentement, comme à regret, vers le château, tandis que les serviteurs, terrifiés, s’enfuyaient dans la nuit.

Immobile et glacée d’horreur, Bertalda n’avait rien perdu de cette scène. Quand la pâle apparition passa sous le balcon, elle leva la tête vers Bertalda, avec un gémissement, et la jeune femme reconnut Ondine. Elle cria qu’on appelât le chevalier, puis se tut, épouvantée par le son de sa propre voix et par la terreur peinte sur le visage de ses femmes.