Page:La Société nouvelle, année 12, tome 1, 1896.djvu/184

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partie du fardeau, c’est l’exploitation économique du travail populaire par le capital monopolisé entre les mains de la très haute et très riche bourgeoisie. Au fond, ces deux parties du fardeau sont inséparables, car l’État nécessairement hostile, conquérant et rompant la solidarité humaine à l’extérieur, n’a jamais eu d’autre mission à l’intérieur que de consacrer, légitimer et régulariser l’exploitation du travail populaire, au profit des classes privilégiées.

Le renversement de l’État et du monopole financier actuels, tel est donc l’objet négatif de la révolution sociale. Quelle sera la limite de cette révolution ? En théorie, par sa logique, elle va très loin. Mais la pratique reste toujours derrière la théorie, parce qu’elle est soumise à une foule de conditions sociales, dont l’ensemble constitue la situation réelle d’un pays, et qui pèsent nécessairement sur chaque révolution vraiment populaire. Le devoir des chefs sera non d’imposer leurs propres fantaisies aux masses, mais d’aller aussi loin que le permettront ou que le commanderont l’instinct et les aspirations populaires. L’objet positif de la révolution sociale sera l’organisation nouvelle de la société plus ou moins émancipée.

Sous ce rapport aussi, l’idéal est très nettement posé par la théorie. Comme organisation politique, c’est la fédération spontanée absolument libre des communes et des associations ouvrières ; comme organisation sociale, c’est l’appropriation collective du capital et de la terre par les associations ouvrières. En pratique, ce sera ce que chaque section, chaque province, chaque commune et chaque association ouvrière pourra et voudra, pourvu que ce soit bien réellement la volonté réelle des populations et non l’arbitraire, la fantaisie ou la répugnance des chefs qui décident.

L’un des plus grands soucis de ceux qui se trouvent aujourd’hui à la tête du mouvement révolutionnaire socialiste en Italie, devrait être, selon moi, de trouver et de fixer, autant qu’il est possible de le faire aujourd’hui, au moins les lignes principales du plan et surtout du programme du soulèvement révolutionnaire prochain. Sans perdre jamais de vue l’idéal, qui doit nous guider comme jadis l’étoile polaire guidait les marins — et sous ce mot idéal j’entends toute la justice, toute la liberté, l’égalité économique et sociale la plus complète, et l’universelle solidarité et fraternité humaine — pour former un programme pratique et possible, il faut nécessairement tenir compte des différentes situations de chacune de vos provinces, aussi bien que des dispositions de certaines classes de votre société. Pas de toutes. Car si vous vouliez contenter toutes les classes, vous arriveriez nécessairement à zéro ; les intérêts des classes gouvernementales et supérieures étant trop opposées à ceux des couches inférieures pour qu’une conciliation entre eux soit possible. Je pense donc que toutes les classes qui, soit directement, soit indirec-