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Page:La Société nouvelle, année 9, tome 1, 1893.djvu/331

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LA PROSTITUTION EN RUSSIE
COMPARATIVEMENT
À CELLE DE PARIS ET DE LONDRES

Pour bien traiter cette grande question, disons d’abord comment nous comprenons le mot. Dans les divers pays, la vieille société considère comme « prostitution » les relations entre les deux sexes qui ne sont pas sanctionnées par la loi. Ne nous plaçant pas au point de vue des préjugés, des habitudes ou des conventions, nous prendrons pour critérium le sentiment naturel d’amour-propre et de dignité et nous qualifierons « prostitution » — toutes relations sexuelles résultant de la vente de sa chair par une femme ou par un homme, non moins que l’état de deux êtres forcés de par les lois et les convenances de leur pays de vivre ensemble sans amour ou sans aucune sympathie.

En Russie, avant la libération des paysans, c’était le seigneur qui, avant même les parents et le pope, donnait à ses serfs la permission de se marier. Comme dans la France du moyen-âge, le nouvel époux devait conduire sa femme chez le seigneur pour qu’elle passât avec lui la première nuit.

L’orgie allait bon train dans ces nobles demeures. Chaque château possédait une chambre où, pendant la journée, de belles jeunes filles tissaient à la main pour leur maître. La nuit, elles étaient livrées à celui-ci ou à ses hôtes. De leur côté, les femmes des seigneurs choisissaient des amants parmi leurs cochers et leurs valets.

Pendant ces temps d’esclavage, les seigneurs vendaient leurs serfs comme de simples animaux, mais ils ne vendaient pas les femmes ; ils se contentaient de les donner en cadeau.

Après la guerre de Crimée, les paysans furent libérés ; on leur donna même des terres, mais quelles terres ! Les anciens maîtres avaient conservé la propriété de tout ce qui était fertile, ainsi que des rivières et des forêts. Pour avoir