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Page:La Société nouvelle, année 9, tome 1, 1893.djvu/360

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Mes yeux se portèrent sur Véra. Pâle comme une morte, elle se tenait à la balustrade, les yeux démesurément ouverts, avec cette expression presque extatique qu’a parfois le visage des martyrs.

La foule s’écoula lentement et silencieusement.

Dehors c’était le printemps ; l’eau ruisselait dans les gouttières et courait joyeusement en petits ruisseaux le long des trottoirs. L’air était pur et frais. L’atrocité des émotions éprouvées ne semblait plus qu’un cauchemar et la réalité de tout ce qui s’était passé semblait impossible. L’image de douze vieillards caducs prononçant un verdict impitoyable et fauchant à la racine le bonheur et l’avenir de soixante-quinze jeunes vies, cette image se perdait dans le brouillard et laissait à chacun l’impression d’une amère ironie.