Page:La Vallée-Poussin - Bouddhisme, études et matériaux.djvu/19

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

des « couples » parallèles, analogues, upadhi-duḥkha, avidyā-duḥkha [Celui-ci est tout à fait dans l’esprit des Upaniṣads]. C’était dès lors un jeu, dès qu’on tint compte des relations fort nettes de quelques-uns de ces couples, — « contact — duḥkha », « sensation — duḥkha », « soif — duḥkha », — de les ranger tous en causation successive : « … du contact, sensation ; de la sensation, soif ; de la soif… » ; et il n’était pas très malaisé d’arriver au chiffre douze qu’on s’était fixé d’avance.

C’est par des procédés de cette nature que fut établie la chaîne duodénaire : « En raison de l’ignorance, les saṃskāras ; en raison des saṃskāras, le vijñāna ; en raison du vijñāna, le nāmarūpa,… les six organes… le contact… la sensation… la soif… l’upādāna… l’existence… la naissance ; en raison de la naissance, la vieillessemort, chagrin-lamentation-douleur-tristesse-tourments. Telle est la production de toute cette masse de souffrances ». — Et inversement : « De la destruction de l’ignorance, destruction des saṃskāras… Telle est la destruction de toute cette masse de souffrance ».

Il y a de très bonnes parties dans la chaîne : ṣaḍāyatana-sparśa-vedanā-tṛṣṇā. — L’ignorance (avidyā) est indispensable en tête de la liste, car les bouddhistes, comme le Yoga, comme Bossuet, la regardent comme « la pire des maladies de l’âme et la mère de toutes les autres ». — Saṃskāras (opérations d’ordre intellectuel et surtout moral), qui paraît bien proche de saṁjñā, conscience, et vijñāna, intellect, sont visiblement des causes de la soif (tṛṣṇā). Pourquoi ils occupent telle ou telle place dans la liste, quelle est leur valeur exacte, d’où ils ont été empruntés, pourquoi upadhi a disparu, pourquoi nous avons upādāna au lieu de ādāna ou rāga ou karman, n’est-il pas superflu de se le demander ?