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Page:Laisnel de La Salle - Croyances et légendes du centre de la France, Tome 1.djvu/110

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du vieux temps

bien singulière et que nous allons tâcher d’expliquer, ce sont aussi des œufs rouges ou dorés qu’échangent entre eux, au premier jour de leur année, non-seulement les Persans, dont nous venons de parler, mais les Russes et les Juifs, lors de la fête de Pâques. Cette similitude d’usages entre des peuples de mœurs et de croyances si différentes, ne saurait être un pur effet du hasard ; il faut nécessairement en faire remonter l’origine à quelque vieux mystère théogonique, et nous croyons que le mot de l’énigme se trouve dans l’habitude où étaient les Juifs, toujours à l’époque de Pâques, de rougir, avec le sang de l’agneau fraîchement immolé, le linteau supérieur et les jambages de leurs portes[1]. Cette coutume toute symbolique était également en vigueur dans l’ancienne Égypte où, lors de la fête de l’équinoxe, « on marquait tout de rouge ou de couleur de feu, en mémoire de ce que les rayons du soleil avaient embrasé le monde[2]. »

Maintenant, pourquoi l’œuf figure-t-il avec tant d’éclat dans la grande fête pascale ? — C’est que, chez plusieurs peuples des anciens temps, il personnifiait tantôt la divinité suprême, tantôt le monde, tantôt la fécondité de la terre ; c’est que l’œuf est l’emblème le plus parfait des forces productrices de la nature. Tout ce qui vit vient d’un œuf : omne vivum ex ovo ! a dit Harvey. « Tout œuf, dit de son côté un savant physiologiste, M. Flourens, tout œuf est composé de même ; toute fécondation se fait sur l’œuf… Dans les végétaux, l’œuf est représenté par la graine, et, par une admirable loi de transition de la nature, nous voyons le polype, être intermédiaire aux animaux et aux végétaux, pousser des bourgeons pendant l’été et donner des œufs pendant l’automne[3]. » — Avant Harvey, avant M. Flourens,

  1. Exode, xii, 7.
  2. Dupuis, Origine de tous les cultes.
  3. Ontologie naturelle, ou étude philosophique des êtres.