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Page:Laisnel de La Salle - Croyances et légendes du centre de la France, Tome 1.djvu/135

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souvenirs

On leur attribue, comme partout, des qualités bonnes ou mauvaises ; mais, le plus communément, la malignité et la malfaisance forment le fond de leur caractère, et, dans tous les cas, on leur accorde une grande adresse, — d’où la locution proverbiale : Adroite comme une fée.

Nos fées n’eurent pas toujours une aussi mauvaise réputation, car elles furent tour à tour les Nymphes des Grecs et des Romains, les Korigans, les Sighes[1] des nations gaéliques, les Nornes, les Walkiries des Scandinaves[2], les Jinns des Arabes et les Péris de l’Orient[3]. Mais, en vertu de cette vieille loi qui veut que les dieux de toute religion vaincue ne soient plus regardés que comme des démons, le christianisme arracha les fées de leur Olympe et en peupla son enfer[4]. Toutefois, le moyen âge n’en montra pas moins pour elles un faible tout particulier, et il en fut bien récompensé, car il leur doit ses plus aimables et ses plus poétiques fictions.

C’est principalement dans les parties les plus abruptes, les plus accidentées de notre pays, sur les bords escarpés et rocheux de la Creuse, de l’Anglin, du Portefeuille et de la Bouzanne, que le souvenir de ces êtres fantastiques s’est le mieux conservé. Les fées se plaisent surtout à errer parmi les nombreux monuments druidiques dont ces régions sont hérissées. Là, chaque grotte, chaque rocher, un peu remarquable, a sa légende. C’est aux abords de ces antres, autour

  1. Korigan, en breton ; Sighe, en gaélique irlandais, signifient fée.
  2. Voy. l’antique poëme de l’Edda.
  3. Voy., sur les fées françaises, le savant et intéressant travail de M. Alfred Maury, intitulé : les Fées du moyen âge ; Recherches sur leur origine, leur histoire et leurs attributs. Paris, 1843. — Voy. aussi le chapitre des Fées, dans la Normandie romanesque et merveilleuse de Mlle Amélie Bosquet.
  4. C’est ainsi que Béelzébuth, le dieu suprême des Philistins, devint pour les Juifs, aux temps évangéliques, le prince des démons (M. Alfred Maury, Croyances et Légendes de l’antiquité, p. 76) et que le mot div, qui, chez les Indiens, signifiait dieu, servit, chez les Perses et les peuples slaves, à désigner le Diable.