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du vieux temps

Brandelons, fumelles !
Les beugnons sont pas cheux nous,
Is sont cheux les moines,
Ben frits dans la poêle.

J’ons brandouné tous nos blés,
I faut nous en artorner (retourner)
Pour ça c’que j’avons d’gangné[1].

Brandounons la nielle,
Et la nielle et l’échardon !
Brandounons, fumelles,
Brandounons la nielle[2] !

La promenade des Brandons se termine dans chaque famille, et surtout dans les métairies, par un repas où l’on fait une grande consommation de beugnons ou beignets. Ceux de nos coureurs nocturnes qui ont pu, à la lueur des brandons, arracher quelques tiges de nielle, reçoivent en récompense autant de beignets qu’ils ont cueilli de brins de cette herbe, regardée, à bon droit, comme l’une de celles qui nuisent le plus à nos céréales.

Ces beignets, qui portent le nom de sanciaux dans quelques cantons du département du Cher, rappellent les gâteaux sacrés et les gâteaux de millet (liba de milio) que les anciens, en pareille occasion, offraient à Cérès et à Palès. Dans notre Sologne berrichonne, c’est précisément du mil que l’on mange pendant les festins brandonniers. Enfin, nos sanciaux, composés de farine, de miel et d’huile, comme les liba des Romains et même ceux des Hébreux[3], tirent évidemment leur nom du latin sancitus (consacré), participe du verbe sancio.

  1. C’est-à-dire : pour ce que nous avons de gagné.
  2. J’ai retrouvé, nous écrit M. de Laugardière, quelques couplets de ce chant, tantôt le premier et le deuxième, tantôt le troisième, tantôt le cinquième, à Preuilly-sur-Cher, à Ignol, à Bengy-sur-Craon.
  3. « Si ton offrande est un gâteau cuit dans la poêle, dit le Lévitique, II, 7, il sera fait de fine farine, pétrie dans l’huile, sans levain. » — Des beignets figuraient aussi parmi les offrandes des Hindous « O Indra ! reçois ces beignets que nous t’offrons avec ce plat de caillé, ces gâteaux et ces hymnes… », est-il dit dans le Rig-Véda, t. II, P. 75.