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souvenirs

Cluis-Dessus se rendent, vers le déclin du jour, à Cluis-Dessous, et là, après avoir grossièrement figuré avec de la terre une vieille femme, ils la taillent en pièces avec leurs sabres de bois et en jettent les débris dans la rivière.

Autrefois, à Bourges, lors de la mi-carême, on allait scier la Vieille, représentée par un mannequin, sur la pierre à la crie de la place Gordaine. — « Je n’ai jamais vu cette cérémonie, nous écrit obligeamment M. H. Boyer, on me l’a seulement racontée ; mais j’ai vu apporter sur ladite pierre un mannequin que l’on nommait, alors, le père Carnaval ; j’ai vu la foule l’entourer en dansant, puis le conduire en grande pompe sur le pont de l’Yèvre, d’où on le précipitait dans la rivière. »

Aujourd’hui, dans la même ville et à la même époque, les enfants se rendent par centaines à l’Hôpital, pour y voir fendre ou partager en deux la Vieille. Une solennité religieuse qui a lieu, ce jour-là, dans cet établissement, attire une grande affluence de promeneurs, et pendant cette fête quelque peu mondaine, il n’est pas rare d’entendre le peuple crier, en riant, dans les rues : « Fendons la Vieille ! fendons la plus Vieille du quartier[1] ! »

En Limousin, on dit : recedza le Vieillo (scier la Vieille), et voici comment Béronie, dans son Dictionnaire du patois du bas Limousin, interprète cette expression proverbiale : — « Chaque année, à Tulle, le jour de la mi-carême, on s’informe de la plus vieille femme de la ville, et l’on dit aux enfants qu’à midi précis, elle doit être sciée en deux au Puy-Saint-Clair. — Quelle est, ajoute notre auteur, l’origine de cette atroce absurdité ? L’histoire nous apprend que, par un mouvement de piété filiale (sic), les Gaulois montaient leurs pères sur les plus hauts arbres et les délivraient des infirmités de la vieillesse en les faisant tomber. Recedza le Vieillo

  1. Voy. le Courrier de Bourges du commencement de mars 1856.