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souvenirs

une vieille femme à mine refrognée. Elle a pour sceptre un poireau, sa tête est ornée d’une couronne d’oseille ou d’épinards, et son corps est porté par sept jambes longues et maigres qui symbolisent les sept semaines du carême. Cette promenade, accompagnée de chants funèbres, a lieu, après la chute du jour, à la lueur des torches. La procession terminée, on dépose la Reina Cuaresma dans une maison particulière, où, pendant le cours de son règne, tout le monde peut aller lui rendre ses hommages. Ce règne, hélas ! quoique bien court, n’est pas exempt de tribulations, car, à la fin de chacune des sept semaines qu’il doit durer, on ampute à la Vieille l’une de ses jambes, si bien que, le soir du samedi saint, il ne lui en reste plus. Alors, le peuple s’empare de nouveau de la vieille reine et la transporte tumultueusement sur la Plaza Mayor, où elle est décapitée et mise en pièces au bruit des applaudissements et des cris de joie de la multitude. — Chaque quartier de Madrid possède, à cette époque, sa vieille reine Carême.

La Vieille de la mi-carême est, selon toute apparence, le symbole, la personnification de l’année qui touche à sa fin, de la vieille année, et nos pères auront, dit : la vieille, en parlant de l’année expirante, comme les Grecs disaient, au rapport de Plutarque, la vieille et la jeune ἕνη καὶ νέα pour désigner le dernier jour de chaque mois, jour dont le matin appartenait à la vieille lune et le soir à la nouvelle ou à la jeune.

Les Églises des Gaules avaient fixé le commencement de l’année à Pâques, et, jusqu’au concile de Nicée (an 325), elles célébrèrent cette fête le 25 mars[1]. En Aquitaine, en Limousin,

  1. Le concile de Nicée fixa définitivement la fête-de Pâques au dimanche qui suit le quatorzième jour de la lune de mars. D’où notre proverbe :
    — D’heure ou tard.
    Pâque est toujours en pleine lune de mars.
    (Voy. liv. V, ch. ii : Locutions locales, Dictons).