Page:Laisnel de La Salle - Croyances et légendes du centre de la France, Tome 1.djvu/83

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

48
souvenirs

compte d’Anna Perenna, le poëte se demande quelle peut être cette déesse[1]. Puis il rapporte les diverses opinions qui, de son temps, avaient cours sur cette singulière divinité, et en vient à dire que, selon quelques-uns, Anna Perenna est tout simplement la lune, parce qu’elle forme avec les mois le cours de chaque année.

Sunt quibus hæc luna est, quia mensibus impleat annum.
(Fastes, liv. III, v. 658.)

Cette explication se trouve corroborée par le sens très-significatif du nom même de la déesse romaine, qui très-probablement est un dérivé de annus perennis (année perpétuelle), ou de anus perennis (vieille sempiternelle), et toutes ces concordances prouvent évidemment, à notre avis, qu’Anna Perenna et la Vieille de la mi-carême sont une seule et même allégorie et que toutes les deux sont la personnification de l’année qui expire, de la vieille année. — C’est ainsi que, chez les Grecs, les trois saisons de l’année, la chaude, la tempérée et la froide, étaient personnifiées par les trois Heures, et que les Ritous ou les Ritavas, dont parlent les Védas, étaient les représentations anthropomorphiques de ces mêmes saisons[2].

Mais ce qui doit ne laisser aucun doute sur l’identité qui existe entre la lune et Anna Perenna, c’est qu’il paraîtrait que la Diane celtique ne s’appelait pas seulement Iana, Jana, comme chez les premiers Romains, mais aussi tout simplement Anna. — Ajoutons que dans une partie de l’ancienne Arménie, Anna-Malech était la même chose que la lune. Le nom topique de cet astre, chez les Arméniens en général, était

  1. Quæ tamen hæc Dea sit, quoniam rumoribus errat,
    Fabula proposito nulla tegenda meo.
    (Fastes, liv. III, v, 544.)

  2. Alfred Maury, Croyances et Légendes de l’antiquité, p. 96. — Les Slaves du paganisme ne comptaient aussi que trois saisons.