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Page:Laisnel de La Salle - Croyances et légendes du centre de la France, Tome 1.djvu/96

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du vieux temps

C’est principalement lors de la fête des Pâques fleuries que cette plante consacrée figure avec le plus d’honneur. Ce jour-là, chacun se rend religieusement à la grand’messe de sa paroisse. Riches et pauvres, métayers et ménageots[1], portent tous à la main une gerbe de buis, plus ou moins grosse, que doit bénir le prêtre. Après le saint office, toute l’assistance se répand dans la campagne, et c’est vraiment alors un spectacle plein de charme que de voir ces braves gens se croiser dans tous les sens, et se rendre, qui, à son champ de froment ; qui, à son pâtural ou à sa vigne, et y planter, en se signant, tête nue et le genou ployé, un fragment du rameau bénit[2]. Puis, chacun s’en retourne à son logis et, avant d’en franchir le seuil, attache à l’huisserie de sa porte, aux entrées des étables et des bergeries, d’autres branches protectrices que l’on renouvelle à chaque retour de la fête.

En vain l’inondation, la sécheresse, la grêle, l’épizootie, viennent-elles trop souvent compromettre l’infaillibilité du saint rameau : les fléaux passent, la foi reste ; car la foi ressemble à l’espérance ; toutes deux nous ont été données par le ciel pour nous soutenir dans les âpres sentiers de ce monde. Ce ne sont, hélas ! le plus souvent, que deux pauvres béquilles faites du roseau le plus flexible ; mais nous ne t’en remercions pas moins, ô mon Dieu ! car si ces frêles soutiens plient à chacun de nos pas, ils ne rompent que bien rarement.

  1. On appelle ménageot, dans les environs de la Châtre, le journalier qui ne possède pour tout bien qu’une chétive maison, une petite chènevière et quelques boisselées de terre : — « Ce pays de silence et d’immobilité est très-peuplé ; dans chaque chemin de traverse le petit troupeau du ménageot est pendu aux ronces de la haie… » (George Sand, la Vallée noire.)
  2. Le champ de blé surtout est l’objet des plus vives sollicitudes. Aussi, quand viennent le 3 mai et le 14 septembre, jours de l’invention et de l’exaltation de la sainte Croix, fait-on bénir encore, dans beaucoup de nos églises de campagne, une grande quantité de petites croix que nos villageois s’empressent de planter dans l’enclos qui doit leur donner leur pain quotidien.