Page:Langlois - Harivansa ou histoire de la famille de Hari, tome 1.djvu/174

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vents. De ses mille bras le roi agite les flots, comme jadis le mont Mandara, ébranlé par les dieux et les Asouras, battait la mer de lait[1]. À l’aspect de ce roi terrible, les grands serpents tremblent, comme s’ils allaient voir renaître le jour où, effrayés par le mouvement du Mandara, ils assistèrent à la naissance de l’Amrita : ils se lèvent, et restent le front baissé, la tête immobile. Tourmentés par le vent que forment ses bras, vers la fin du jour, les bananiers en frémissent encore. »

Ardjouna, après avoir percé de cinq flèches Râvana, tyran de Lancâ[2], le vainquit, malgré les troupes qui l’environnaient, et le chargeant de chaînes, le conduisit à Mâhichmatî. En apprenant que son fils était prisonnier d’Ardjouna, Poulastya vint auprès de lui, et sur sa demande, le Râkchasa[3] fut mis en liberté. Enfin, le bruit de la corde des arcs qui armaient ces mille bras était pareil à celui de la foudre qui, vers la fin de l’année, déchire le nuage. Mais hélas ! la force du fils de Bhrigou[4] abattit ces mille bras tout brillants d’or ; ils tombèrent sous ses coups comme une forêt de palmiers. Le dieu qu’on honore sous les noms de Tchitrabhânou et de Vibhâvasou[5], vint un jour demander l’aumône[6] à ce héros, qui lui donna les sept

  1. Événement fameux dans les fables indiennes, et qui forme le sujet d’un épisode du Mahâbhârata. Le célèbre Wilkins a traduit cet épisode. Voyez ses notes sur le Bhagavad-gîtâ.
  2. Nom de l’île de Ceylan.
  3. Par ce mot on désigne Râàvana, qui, quoique fils ou petit-fils d’un saint Richi, n’en était pas moins flétri de cette qualification, par laquelle on semble désigner des peuples barbares adonnés au vol ou à la piraterie.
  4. Cette qualité qui convient à beaucoup de personnages, comme nous l’avons vu, s’applique ici à Parasou-Râma, l’exterminateur des Kchatriyas. Ce personnage de race sacerdotale a quelques traits de ressemblance avec Samuel. Il semble avoir été suscité par les Brahmanes pour punir les princes qui paraissaient s’éloigner de la pureté de la foi, autant qu’il est possible de le conjecturer par l’histoire qui suit.
  5. Ce sont là deux épithètes du feu ou du soleil, dont elles rappellent la splendeur.
  6. C’est ce qu’on appelle भिक्षा bhikchâ. Le Bhikchou ou mendiant suit le quatrième genre de vie religieuse (आश्रम​ âsrama). Je ne puis m’empêcher de voir dans ce récit l’histoire de l’apostasie d’Ardjouna. Ce prince quitte le culte des Brahmanes pour celui du soleil ou du feu, à qui il consacre tous ses états ; il pousse même le zèle jusqu’à la persécution, et l’asile du chef de l’orthodoxie, de Vasichtha, n’est point respecté par lui. C’est ainsi que je m’explique la colère du Brahmane Parasou-Râma. Une autre légende dit qu’Ârdjouna visitant la forêt ou vivait le père de Parasou-Râma, Djamadagni, fut défrayé, lui et sa suite, d’une manière très-libérale ; qu’étonné de cette générosité de la part d’un solitaire qui ne possédait qu’une vache, il apprit que cet animal était la fameuse vache d’abondance, qui fournissait tout ce qu’on pouvait désirer. Il la demanda : le solitaire la lui refusa. En vain Ardjouna en échange offrit