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Page:Langlois - Harivansa ou histoire de la famille de Hari, tome 1.djvu/97

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maudit : devenus fous, ils n’avaient plus aucune espèce de connaissance d’eux-mêmes ; la folie des dieux s’était communiquée au reste du monde. Les malheureux, prosternés devant le père des êtres, demandèrent grâce et pardon ; et pour le salut des mondes, Brahmâ leur dit : « Faites pénitence, car vous avez péché. Adressez-vous à vos enfants[1] ; c’est par ce moyen que vous recouvrerez la sagesse. » Ils vinrent donc, dans leur affliction, demander à leurs enfants de quelle manière on pratiquait les exercices de la pénitence et du culte. Leurs fils, humbles et pieux, leur donnèrent ces leçons dont ils avaient besoin. Instruits dans la science du devoir, et habiles à l’expliquer, ils leur enseignèrent ces genres d’austérités par lesquels on mortifie sa voix, son esprit, son corps, et joignirent l’exemple au précepte. Quand par la pénitence les dieux eurent connu la vérité et recouvré leur raison, leurs fils leur dirent : « Allez maintenant, nos enfants. » Ce mot frappa les dieux, qui se présentèrent à Brahmâ pour en avoir l’explication. Brahmâ leur dit : « Vous êtes aujourd’hui savants dans la science divine, et le nom dont on vous a appelés est fort juste. Vous pouvez bien, ô dieux, avoir fait leurs corps : mais ils vous ont donné la science, ils méritent certainement le titre de pères (pitris). Vous avez, les uns et les autres, votre genre de paternité ; vous êtes tous Pitris[2] et les Pitris aussi seront dieux. » Alors les dieux vinrent retrouver leurs enfants et leur dirent : « Brahmâ nous a éclairés, nous nous devons une affection mutuelle. Vous êtes en effet nos pères, vous par qui nous avons été instruits. Pieux instituteurs, que pouvez-vous désirer ? quel don pouvons-nous vous accorder ? Que la parole que vous avez prononcée se trouve vérifiée, et puisque vous nous avez appelés vos enfants, soyez aussi désormais nos Pitris (pères). Quiconque en célébrant un Srâddha oubliera ses parents décédés, verra passer le fruit de son sacrifice aux Râkchasas, aux Dânavas, aux serpents. Les pères décédés, croissant par les honneurs funèbres, feront sans cesse croître la lune[3] qui aura

  1. Les enfants des dieux, ce sont ces saints et antiques personnages, fondateurs de la législation religieuse des Indiens, et dont l'origine était divine. Ainsi dans Manou, Vrihaspati, fils d'Angiras, et surnommé Cavi, instruit ses pères, c’est-à-dire, ses parents du côté de son père.
  2. L'auteur joue continuellement sur le mot pitri, qui signifie à la fois père et mânes. Voyez au reste la iie lecture des lois de Manou, sl. 151 et suiv., 170 et 171, où l'on retrouve plusieurs idées de ce passage du Harivansa.
  3. Il faut se rappeler que la lune est considérée comme le réservoir de l'ambroisie divine, et qu'en même temps on lui reconnaît une grande influence sur la terre. Le dieu de la lune est le roi des plantes, et préside au prin-