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Page:Langlois - Rig Véda.djvu/100

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[Lect. VI.]
INDE. — POÉSIE LYRIQUE.

bienfaisant Indra, et, brillantes, bondissant de joie, elles s’étendent sur son domaine.

11. Heureuses de le toucher, elles se colorent de teintes diverses ; elles apprêtent le soma (versé en son honneur) : ces vaches bien-aimées d’Indra aiguisent aussi son arme foudroyante, et elles s’étendent sur son domaine.

12. Elles vénèrent avec respect la force de ce (dieu) prudent ; elles le secondent dans ses œuvres nombreuses, et, prévoyant sa pensée, elles s’étendent sur son domaine.

13. L’invincible Indra, avec les os de Dadhyantch[1], a terrassé quatre-vingt-dix-neuf[2] ennemis.

14. Il a cherché la tête de cheval (de Dadhyantch) cachée dans les montagnes, et l’a trouvée dans le lac Saryanâvân[3].

15. Et (ces os merveilleux), on les aurait pris pour les feux du rapide Twachtri, alors éteints, comme s’ils avaient été au séjour (glacé) de Tchandramas[4].

16. Qui donc aujourd’hui attache au char (d’Indra) ces chevaux qu’attelle le sacrifice, chevaux vigoureux, brillants, invincibles, portant au front une arme aiguë, frappant (leurs ennemis) au cœur, et répandant la joie (parmi leurs amis) ? Honneur et vie à celui qui célèbre leurs services !

17. Quel est celui qui fuit, qui tremble (devant le dieu) ? qui ressent l’atteinte de ses coups ? Qui (au contraire) éprouve le bonheur de sa présence ? qui l’invoque pour son fils, pour son éléphant, pour sa fortune ? qui, pour sa propre personne ou pour sa famille ?

18. Quel est celui qui, (pour plaire à Indra), célèbre Agni, et, à des époques fixes, l’honore par des holocaustes et des libations de beurre ? À qui les dieux apportent-ils les fruits du sacrifice ? Qui, par ses offrandes et ses hommages pieux, s’attire la protection (d’Indra) ?

19. Oh, viens ! Maghavan, dieu puissant, honore le mortel (qui t’honore). Le bonheur ne vient que de toi. Indra, je t’adresse ma prière.

20. Ô toi qui es notre refuge, que jamais tes dons et tes secours ne viennent à nous manquer ! Ami des hommes, accorde à leur sollicitude tous les trésors (dont tu disposes).


HYMNE V.

Aux Marouts, par Gotama.

(Mètres : Djagatî et Trichtoubh.)

1. Comme des femmes à la brillante démarche, les enfants de Roudra s’avancent, célébrés pour leurs hauts faits ; car les Marouts ont développé le ciel et la terre ; héros destructeurs, ils se plaisent à nos sacrifices.

2. Couverts d’une humide rosée, ces enfants de Roudra croissent dans le ciel, où ils établissent leur demeure. Soumis avec respect au noble (Indra), ces fils de Prisni[5] développent leur force et amassent de riches trésors.

3. Nés de la Terre[6] quand ils séparent de leurs ornements, ils jettent sur leurs corps d’éclatantes couleurs ; ils renversent tous leurs ennemis, et sur leur chemin coule la (pluie qui est) le beurre (des campagnes).

  1. Dadhyantch (voy. p. 90, col. 1, note 2), fils d’Atharvan, régla, comme lui, le culte des dieux, et fit des hymnes que l’on appela asthi ou plutôt asthan, et avec lesquels on soutint une guerre toute spirituelle contre les mauvais génies. La légende a embelli ou dénaturé ce simple récit ; elle a, suivant l’usage, abusé des mots, personnifiant et allégorisant les choses au gré de son imagination. Dadhyantch, pendant sa vie, avait vaincu les Asouras, qui fuyaient seulement à le voir. Il mourut, et les Asouras remplirent la terre. Indra ne pouvait leur résister. Il se mit à la recherche du saint Richi, et apprit qu’il était mort, mais que ses os avaient contre les Asouras le pouvoir de la foudre. Ce Dadhyantch avait été une espèce de centaure à tête de cheval. Au milieu des montagnes, dans le lac Saryanâvân, on trouva sa tête, dont les os furent employés contre les ennemis d’Indra. Une autre légende dit que Dadhyantch avait appris le Cavatcha-vidyâ, et il devait perdre la tête, si jamais il le révélait. En faveur des Aswinî-Coumâras, il manqua à sa promesse, et la menace eut son effet. Ceux-ci remplacèrent sa tête par une tête de cheval. Indra eut besoin plus tard, contre les Rakchasas, des os de cette tête : Dadhyantch consentit à mourir pour les lui fournir. Ces légendes me paraissent un voile bizarre, mais transparent ; le mot que nous rendons ici par os n’est pas asthi, comme cela devrait être, mais asthan. Or, on entend par sthâna une division, un chapitre de livre. Il paraîtrait que les prières composées par Dadhyantch étaient détachées et sans suite : c’étaient en quelque sorte des mélanges, asthan. Ce mot, confondu avec asthi, a donné naissance aux légendes. Un disciple peut-être de Dadhyantch, nommé Aswasiras ou Tête de cheval, avait le dépôt de ces prières ; son nom aura donné lieu à un surcroît d’embellissement. (On cite le nom d’Aswalâyana, comme celui d’un Richi qui a travaillé au Rig-Véda.) Au reste, ces licences d’imagination sont communes dans les traditions anciennes : voyez, pour exemple, la fable des Têttirîyas. Il est encore possible que les prières de Dadhyantch aient commencé par le mot Aswasiras, ou bien qu’elles fussent consacrées aux Aswins. Voy. lecture viii, hymne 4, vers 12 ; et hymne 5, vers 22.
  2. Voy. p. 61, col. 1, note 4 ; et p. 89, col. 2, note 2.
  3. Dans le pays de Couroukchétra.
  4. Tchandramas, c’est la lune, dont les rayons sont regardés comme glacés.
  5. Voy. p. 53, col. 1, note 5. Dans le vers suivant, on les appelle Go-mâtaruh, mot que le commentateur entend par Fils de la terre.
  6. Ce pourrait être aussi Enfants du sacrifice.