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[Lect. VIII.]
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RIG-VÉDA. — SECTION PREMIÈRE.

3. Vous êtes sages, et nous vous invoquons ; vous êtes sages, inspirez notre prière en ce jour. Un serviteur dévoué vous honore et vous sacrifie.

4. Je ne m’adresse pas à des dieux impuissants ; (nous attendons), généreux (Aswins), le prix de nos invocations et de nos sacrifices. Conservez-nous forts et vigoureux.

5. Qu’il vous plaise, cet hymne qui retentit avec éclat dans la bouche de celui qui voudrait imiter Bhrigou[1], (cet hymne) que le fils de Padjra[2] vous adresse (aujourd’hui) ! Qu’il vous plaise aussi le sage qui joint (à sa prière) l’offrande sacrée !

6. Écoutez l’hymne que chantait en votre honneur (un homme) errant dans les ténèbres[3], (hymne) que j’ai répété en recouvrant la vue par votre protection, ô Aswins, auteurs de tout bien !

7. C’est vous qui donnez, comme c’est vous qui ôtez la puissance. Vous êtes notre refuge ; soyez nos gardiens, et délivrez-nous des brigands sans conscience.

8. Ne nous livrez pas à notre ennemi. Ne souffrez pas que nos vaches nourricières, éloignées de leurs veaux, soient chassées de nos demeures.

9. Que vos amis vous trouvent favorables à leurs vœux ! Que nous obtenions de vous abondance de nourriture, abondance de vaches !

10. Voilà le char des Aswins riches et bienfaisants. (Ce char) est sans chevaux[4], et j’espère qu’il me procurera l’abondance.

11. (Char divin), chargé de richesses, signale pour nous ton pouvoir !… (Le voyez-vous) ? ce char fortuné avance du côté de ceux qui ont préparé le soma.

12. Il est deux choses qui passent vite : le sommeil et les mauvais riches. Dans ce moment, je ne connais ni l’une ni l’autre de ces deux choses.


HYMNE IX.

À Indra, par Cakchivan.

(Mètre : Trichtoubh.)

1. Quand donc (le dieu) qui protège les hommes et qui donne la richesse voudra-t-il écouter la voix des pieux Angiras ? Lorsqu’il sort de son palais, (ce roi) digne de nos sacrifices, pour visiter le peuple qui l’honore, son pouvoir se manifeste au loin.

2. Ce maître puissant, voulant pourvoir à notre nourriture, amène ce riche troupeau de vaches (divines) ; le ciel en est assiégié. Le souverain (des dieux) contemple ces ténèbres qu’il a fait naître ; et l’épouse du coursier devient la mère de la vache[5].

3. Qu’il vienne (écouter) notre antique invocation, celui qui donne aux Aurores leur lumière, celui qui chaque jour est le bienfaiteur des Angiras ses serviteurs. Il s’est fait une arme dont les coups foudroyants sont rapides ; pour les quadrupèdes utiles à l’homme, pour l’homme lui-même, il a couvert le ciel (de nuages).

4. Enivré de la douceur du soma, c’est toi qui, pour le sacrifice, as jadis rendu (aux Angiras) ce fameux troupeau de vaches qui leur avait été enlevé[6]. Car toutes les fois que (le dieu) aux trois têtes[7] apparaît dans le combat, il brise les portes de l’ennemi des enfants de Manou.

5. (Oui, rien ne te résiste, ô dieu) merveilleusement rapide, quand le père et la mère de famille[8], soutiens (du sacrifice), t’ont présenté le lait (des libations) et le trésor fécond des offrandes ; quand (les prêtres) ont fait couler en ton honneur la brillante liqueur, et le breuvage que donne la vache nourricière.

6. (Le dieu) vainqueur vient d’apparaître : qu’il excite nos transports de joie. Il brille, tel que le soleil qui suit l’aurore. Qu’offert par nous sans réserve, et accompagné de nos chants, le soma jaillisse de la cuiller sacrée jusque sur le foyer.

7. Quand Agni s’enflamme au bûcher du sacri-

  1. Voy. p. 78, c. 2, note 6. Le commentaire introduit ici un fils de Ghochâ, pour traduire le mot Ghoché.
  2. Cakchivân, l’auteur de cet hymne, est de la famille des Padjras, et sans doute aussi descendant de l’ancien Cakchivân, fils d’Ousidj. Voy. page 118, col. 2, note 5.
  3. Cet homme, suivant le commentaire, c’est Ridjrâswa. Je répète ici l’observation que j’ai faite ailleurs : il me semble que cet aveuglement dont se trouvent communément frappés les Richis et les poëtes, ce n’est point une cécité réelle : c’est la privation de la lumière que leur enlève la nuit, et que leur restitue le sacrifice du matin.
  4. Le poëte veut-il dire que les Aswins ont dételé leurs chevaux pour s’arrêter à son sacrifice ?
  5. Cette énigme a besoin d’explications. La vache, nous le savons, c’est le nuage. Or, ce nuage est enfanté par une vapeur aqueuse qui s’élève et marche avec la rapidité du cheval. Indra embrasse cette vapeur, et en fait son épouse ; il la soutient sur son sein, et la féconde pour le bonheur de la terre. Cette épouse d’Indra porte le nom de Ménâ : ce même mot est le nom qu’une légende donne à Indra lui-même, devenu femme. Voyez lecture iv, hymne 5, vers 13.
  6. Voy. page 44, col. 1, note 7.
  7. Allusion aux trois mondes, où règne Indra.
  8. Le commentateur fait rapporter ce passage au Ciel et à la Terre.