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[Lect II.]
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RIG-VÉDA. — SECTION TROISIÈME.

et qui retient prisonnières les (Ondes) divines.

7. Avec une vénération profonde nous honorons le grand et magnifique Indra, (Indra) toujours jeune, généreux, immortel. Le ciel et la terre peuvent se mesurer ; la grandeur d’Indra est infinie.

8. Les œuvres d’Indra sont merveilleuses et innombrables : tous les dieux ne sauraient les détruire. Noble héros, il soutient la Terre et le Ciel ; il enfante le Soleil et l’Aurore.

9. Bienveillant Indra, tel est ton pouvoir : il éclate dès l’instant de ta naissance, quand tu as bu notre soma. Tu es fort ; et les mondes, les jours, les mois, les automnes ne sauraient user ta vigueur.

10. À peine es-tu né, Indra, à peine as-tu goûté de notre soma, que la joie te pénètre au sein de ta céleste demeure. Dans ce (dieu), qui remplit le ciel et la terre, que l’on reconnaisse l’antique protecteur des œuvres (pieuses).

11. Tu as donné la mort au violent Ahi qui enchaîne les eaux, ô (athlète) robuste, né pour tant de combats. Le ciel, en effet, ne voit alors que la moitié de ta grandeur, et l’autre partie de ton corps disparaît, assise qu’elle est sur la terre[1].

12. Ô Indra, que ce sacrifice offert en ton honneur, que ces flots de soma versés pour toi puissent t’agréer. Touché de ces hommages, que tu mérites, conserve ton serviteur, et que nos prières aiguisent ta foudre pour la mort de Vritra.

13. Par mes offrandes je veux me concilier la faveur d’Indra. Puissé-je le rendre attentif à mes hymnes, et le gagner par mes libations, lui qui grandissait et grandit toujours aux chants d’autrefois, d’hier, d’aujourd’hui !

14. L’inspiration (poétique) qui me pénétre naît pour la gloire d’Indra, que je chante avant l’apparition du jour, dans ces lieux mêmes où, prêtres et pères de famille,[2] ils t’invoquent tous, et te prient de venir, comme sur un vaisseau, les délivrer du mal.

15. Le vase de soma est plein. La Swâhâ semble ouvrir son limpide trésor pour t’inviter à boire. Que les Libations, pour satisfaire la soif d’Indra, s’approchent de lui en tournant vers leur droite[3].

16. Ni la mer profonde, ô Indra si souvent invoqué, ni l’obstacle des montagnes ne peut t’arrêter. Excité par tes amis, tu peux même briser le robuste Oûrva, détenteur des vaches (célestes).

17. Appelons à notre secours, au sein de ce sacrifice, le grand et magnifique Indra, le plus noble des héros au milieu du combat, aussi clément que terrible, vainqueur de ses ennemis sur le champ de bataille, et couvert de leurs dépouilles.


HYMNE IV.

En l’honneur d’Indra, par Viswâmitra.

(Mètres : Trichtoubh et Anouchtoubh.)

1. (Récit.) Descendant avec vitesse du sommet des montagnes, et emportées à l’envi l’une de l’autre, telles que deux cavales impétueuses, pressant leurs rives avec rapidité, comme deux vaches lèchent (le petit dont elles ont été séparées), la Vipâsâ[4] et la Soutoudrî[5] roulent leurs flots abondants.

2. (Viswâmitra parle[6].) Lancées par Indra et suivant une pente rapide, vous courez à la mer, de même que deux conducteurs de char. Vous vous précipitez l’une vers l’autre, et dans cette mutuelle rencontre vos vagues brillantes s’enflent et se grossissent.

3. Je m’approche de la (Soutoudrî), la plus large des rivières. Nous nous présentons devant la grande et heureuse Vipâsâ. Pressant vos rives comme deux vaches lécheraient leurs petits, vous allez ensemble au réservoir qui vous est commun.

4. (Les Rivières parlent.) Le lait (des vaches célestes) a grossi nos flots, et nous allons toutes

  1. Le texte est bien difficile à traduire : altera nate terram operis. Image bizarre ! Le nuage s’intercale entre les deux parties sphériques du corps d’Indra, dont l’une est au ciel et l’autre sur la terre.
  2. Je rends ainsi le mot oubhayé, que le commentateur traduit par ces mots obscurs : gens appartenant à deux familles, oubhayacoulavarttino djanah.
  3. Voir page 202, col. 2, note 1.
  4. Le texte porte Vipât : la Vipâsâ est une rivière du Penjab, nommée aujourd’hui Beyâh.
  5. La Soutoudrî est appelée aussi Satadrou. C’est aujourd’hui le Setledj, qui va s’unir au Beyâh, pour former l’Hyphasis des Grecs.
  6. Pour expliquer le sujet de cet hymne, on raconte que Viswâmitra, prêtre du roi Soudas, fils de Pidjavada, est renvoyé chez lui par ce prince avec de nombreux présents, et qu’arrivé au confluent de la Vipâsâ et de la Soutoudrî il est arrêté par la crue des eaux. Là il fait un sacrifice à Indra, pour obtenir de pouvoir passer à l’autre rivage. Je ne serais pas étonné que cette pièce n’eût été conçue que comme une allégorie, où sont représentées, sous la forme de rivières, les deux espèces de libations.