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[Lect. VI.]
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RIG-VÉDA. — SECTION TROISIÈME.
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Le favori d’Indra, c’est celui qui accomplit l’œuvre (sainte), qui s’unit à lui par la prière, qui suit avec constance la voie (du sacrifice), qui verse le soma.

6. Indra triomphe en héros pour l’homme qui mit avec constance la voie (du sacrifice), et qui verse la libation. Il lui accorde fidèlement le prix de ses travaux. Indra n’est ni le compagnon, ni l’ami, ni le parent de l’impie. Il donne la mort à celui qui n’a pour lui ni hymne ni sacrifice.

7. Indra, qui aime le soma, n’est point l’ami du riche, avare de libations. Il dépouille cet homme de sa fortune ; il cause sa ruine et sa mort. Il est (au contraire) tout dévoué à celui qui lui présente les libations et des offrandes.

8. Indra est invoqué par les grands, les petits, les hommes d’une classe intermédiaire ; par celui qui marche et celui qui se repose ; par celui qui garde sa maison et celui qui combat ; par tous ceux qui veulent l’abondance.


HYMNE VIII.

À Indra, par Vamadéva.

(Mètre : Trichtoubh.)

1. (Indra parle.) Je fus (jadis) Manou, et Soûrya[1]. Je suis le sage Richi Cakchîvân[2]. J’ai fait à ma ressemblance Coutsa, fils d’Ardjounî[3]. Je suis le sage Ousanas[4]. Voyez-moi.

2. J’ai donné la terre à l’Arya[5], et la pluie au mortel qui me sert. J’ai amené les Ondes retentissantes. Les Dévas obéissent à ma pensée.

3. Dans le transport de ma douce ivresse, j’ai brisé d’un seul coup les quatre-vingt-dix-neuf[6] villes de Sambara ; j’ai sauvé Atithigwa[7] ainsi que Divodâsa au moment du sacrifice, (Divodâsa) digne d’avoir des centaines de villes[8].

4. (Le poëte parle.) Tu es Marouta, et en cette qualité de voyageur ailé[9], tu dois (aussi) l’emporter sur tous les oiseaux. Comme Syéna, ou épervier (céleste)[10], tu dois l’emporter en vitesse sur tous les éperviers ; et l’on t’a vu, oiseau (rapide), quand la Swadhâ était privée du char (du Soleil), porter, pour plaire à Manou, l’holocauste que chérissent les dieux.

5. L’oiseau vient d’enlever (sa proie), et, tremblant[11], il s’élève, aussi prompt que la pensée, par la voie large (des airs). Syéna (l’épervier) fuit avec le miel du soma qu’il a pris dans notre sacrifice.

6. Syéna (l’épervier), dans son vol droit et rapide, arrive d’une extrémité du ciel, tenant ce soma, source heureuse d’une (sainte) ivresse, et, encouragé par les Dévas, il le porte avec fermeté jusqu’à l’autre extrémité.

7. Syéna (l’épervier) a reçu et porté le soma au milieu de mille et mille sacrifices. Prudent et sage dans ses œuvres, enivré de ce soma, il a repoussé ses imprudents ennemis.


HYMNE IX.

À Indra, surnommé Syéna[12], par Vamadéva.

(Mètres : Trichtoubh et Sakvarî.)

1. (Indra parle.) Je n’étais pas encore au jour ; mais je suivais avec attention la naissance successive de tous ces Dévas. Cent villes de fer me gardaient. J’en suis sorti avec rapidité ; me voici sous la forme de Syéna (l’épervier)[13].

  1. Manou est, comme on sait, le père de la race humaine, et Soûrya est le Soleil. Indra se présente dans cet hymne comme étant tout. Kritsnamapyahamévâsmi, mâm sarwâtmacam pasyata (omne quidem ego certe sum ; me omnia animantem videte). Je pense qu’il est possible, en examinant les légendes de Cakchîvân et d’Ousanas, de les rapporter au personnage d’Indra.
  2. Voy. page 50, col. 1, note 2.
  3. Voy. page 239, col. 2, note 1. Le commentateur m’apprend ici que la mère de Coutsa se nomme Ardjouni. Modifier dans ce sens la note 2, page 111, col. 1.
  4. Voy. page 73, col. 2, note 2.
  5. Voy. page 61, col. 2, note 2.
  6. Voy. section I, lecture ii, hymne xiii, st. 14.
  7. Voy. page 73, col. 1, note 12.
  8. Voy. page 110, col. 1, note 9. Voir plus bas page 249, col. 2, note 5.
  9. On donne ici à Indra, dieu de l’éther, le nom de Marouta. Marouta, dieu du Vent, est représenté comme doué d’ailes. Jusqu’à présent ce mot vih, toutes les fois qu’il se rapportait à Indra, je l’ai traduit par le mot voyageur ; j’ajoute ici le mot ailé, pour entrer dans toute la pensée de l’auteur. C’est un oiseau céleste, c’est un épervier, Syéna, qui parcourt l’espace éthéré.
  10. Sous le nom de Syéna (voy. page 89, col. 1, note 2) on semble désigner Indra, par allusion à l’extrême rapidité de sa course. Cependant nous savons que ce mot a un autre sens, et qu’il s’emploie pour signifier un des mètres poétiques employés dans l’hymne du sacrifice. Avec cette explication Syéna pourrait être Indra célébré par le mètre Syénî, ou bien la personnification de ce mètre, qui semble emporter l’holocauste pour le présenter aux dieux. La Swadhâ n’a point de char ; c’est-à-dire qu’à ce moment le Soleil ne montre pas encore son disque : elle est donc atchacrâ. Le monde est dans l’obscurité.
  11. Le commentaire dit que la crainte qu’éprouve l’oiseau ravisseur du soma est causée par les gardiens de la libation (somapâlaca).
  12. Voy. notes 1 et 2 ci-dessus.
  13. J’ai laissé de côté toutes les explications mystiques dans lesquelles le commentateur me semble ici perdu. Je donne la parole, non à Vâmadéva, mais au dieu Indra. Ce dieu, au moment du sacrifice du matin, n’est pas encore né ; mais il existe et observe la succession des rites qui concourent à sa naissance. Ces rites, comme nous l’avons vu, se personnifient sous le nom de Dévas, et naissent en même temps que les besoins du sacrifice. Cependant Indra est enfermé sous la masse des vapeurs ténébreuses de la nuit ; il s’en débarrasse sous la forme de l’épervier (Syéna), c’est-à-dire un oiseau porté sur les ailes de la Syénî.