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[Lect. I.]
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RIG-VÉDA. — SECTION PREMIÈRE.

À Saraswatî[1].

10. Saraswatî, toi qui purifies (le cœur), comblée de nos offrandes, aie pour agréable notre sacrifice, ô toi, trésor de la prière !

11. Saraswatî inspire les paroles saintes ; elle exprime les bonnes pensées ; c’est à elle que s’adresse notre sacrifice.

12. Saraswatî appelle et encourage l’onde (des libations)[2] ; elle élève un drapeau sous lequel brillent toutes les Prières.


HYMNE IV.
À Indra, par Madhoutchhandas.
(Mètre : Gâyatrî.)

1. Chaque jour nous appelons à notre secours le dieu célèbre par ses actions brillantes, comme le fermier appelle sa (vache) nourricière.

2. Approche de notre sacrifice ; tu aimes les libations, bois celles que nous t’offrons ; et si tu es satisfait, toi qui es riche, accorde-nous des troupeaux de vaches.

3. Puissions-nous ainsi (nous) voir au nombre de ces hommes sages que tu daignes visiter ! Tiens, ne nous dédaigne pas.

4. Chef de famille[3] écoute la voix d’un homme éclairé ; aie recours à Indra, sage et invincible, qui (sera) le rempart de tes amis.

5. Que (ces amis), en fêtant Indra, puissent dire : Vous, qui êtes nos adversaires, retirez-vous loin d’ici.

6. Que nos ennemis nous appellent des hommes fortunés, placés que nous sommes sous la protection d’Indra.

7. Offre donc à Indra ce (soma), aussi ardent qu’il peut l’être lui-même ; ce (soma), ornement du sacrifice, joie des mortels, aimé du (dieu) qui descend vers nous, et nous donne le bonheur.

8. Ô (dieu, que l’on appelle) Satacratou[4], après avoir goûté de cette libation, triomphe des Vritras[5] ; sauve, en faveur de ces offrandes, celui qui te présente ces mets.

9. Ô Satacratou, nous accumulons autour de toi les offrandes ; en retour, Indra, comble-nous de tes biens !

10. Au gardien de la richesse, au (dieu) grand, auteur de toute félicité, ami de l’homme pieux, à Indra, adressez vos cantiques.


HYMNE V.
À Indra, par Madhoutchhandas.
(Mètre : Gâyatrî.)

1. Venez, amis ; placez-vous, et chantez Indra, vous qui avez un trésor d’hymnes (sacrés).

2. (Chantez) le grand Indra, le maître souverain de la richesse ; répandez en même temps les libations.

3. Qu’il soit pour nous une source de biens, d’opulence, de sagesse ; qu’il vienne partager nos offrandes.

4. Chantez cet Indra qui, dans les combats, porté sur un char, renverse ses ennemis par le choc de ses coursiers.

5. En l’honneur de ce dieu, qui aime les libations, voilà des boissons purifiées et mêlées avec du caillé[6].

6. Ô bienfaisant Indra, (tu nais) pour recevoir nos libations et pour régner (sur les dieux) ; à peine es-tu né, que déjà ta forme est immense[7].

7. Ô Indra, glorifié par nos chants, remplis-toi de ces boissons ardentes ; puissent-elles plaire à un dieu sage comme toi !

8. Les hymnes, les louanges (des anciens) ont ajouté à ta grandeur, ô Satacratou ! que nos chants aient le même effet !

9. Qu’Indra, protecteur invincible, en qui sont

  1. Saraswatî est la déesse de la parole, vâg dévatâ. Elle est, dans le sacrifice, accompagnée de deux déesses, Ilâ et Bhâratî : Ilâ est la parole poétique, l’hymne ; et Bhâratî, la parole accompagnée du geste, l’action déclamatoire.
  2. Le commentateur voudrait que ce vers se rapportât à la rivière Saraswatî. Je n’ai pu partager son avis, et n’admets pas cette confusion de personnages. Ce drapeau qu’élève Saraswatî, il me semble que c’est le feu allumé pour le sacrifice. Le mythe de Saraswatî ne me paraît pas encore formé : Brahma n’est que le sacrifice ; et si Saraswatî était dite fille ou femme de Brahma, cela signifierait qu’elle naît du sacrifice ou qu’elle l’accompagne. On appelle Femmes des dieux les prières prononcées en leur honneur. Cependant Saraswatî est le nom de l’une des sept rivières citées souvent dans les hymnes.
  3. Je trouve cette idée dans le mot dasma, qui est au 6e vers de cet hymne, et j’emprunte le sens que je lui donne, non au commentaire qui en fait une épithète d’Indra, mais au Dictionnaire de M. Wilson.
  4. Littéralement : honoré par cent sacrifices. Le nombre cent est ici pour un nombre indéfini. Telle est l’explication donnée par le commentateur, qui en indique encore deux autres, représentées par les mots bahoucarman et bahoupradjna. On ne connaissait pas encore la fable qui suppose qu’Indra est dépossédé de son royaume céleste par celui qui a célébré cent sacrifices appelés aswamédhas.
  5. Vritra est un nom donné à l’ennemi d’Indra ; c’est l’obscurité des nuages, que dissipe la puissance du dieu. Indra fait la guerre aux Vritras, comme le Jupiter grec la fait aux Titans.
  6. Ce caillé porte le nom de dadhi
  7. Allusion à l’immensité du ciel, éclairé le matin par les rayons du jour.