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[Lect. II.]
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RIG-VÉDA. — SECTION PREMIÈRE.

20. Aurore immortelle, amie de la louange, quel mortel est (aujourd’hui) l’objet de ta prédilection ? Brillante (déesse), qui viens-tu visiter ?

21. Vive et légère, merveilleuse par tes couleurs, resplendissante, de loin ou de près nous ne pouvons manquer de t’admirer.

22. Fille du ciel, invitée par nos offrandes, viens, et apporte-nous la richesse.


HYMNE XII.

À Agni, par l’Angiras Hiranyastoupa.

(Mètre : Trichtoubh.)

1. Agni, tu as été l’antique Richi Angiras[1] ; Dieu, tu es l’heureux ami des autres dieux. Dans ton œuvre sainte sont nés les Marouts, sages, agissant avec prudence, et chargés d’armes brillantes.

2. Ô Agni, toi le premier et le plus grand des Angiras, (dieu) sage, tu ornes les cérémonies divines ; tu es né de deux mères[2] ; puissant et raisonnable, pour le bien de l’homme et des mondes, tu reposes partout dans la nature.

3. Agni, montre-toi d’abord à Mâtariswan ; qu’il vienne avec respect te donner des forces ;[3]. Que le ciel et la terre soient illuminés ; choisi pour notre sacrificateur, porte notre offrande. Ô toi, notre refuge, exerce ta haute fonction !

4. Agni, c’est toi qui as révélé à Manou[4] la région du ciel, toi qui as été généreux pour le généreux Pouroûravas[5]. Quand du sein de tes parents tu as été extrait par le frottement[6], on t’a porté d’abord du côté de l’orient, puis du côté opposé[7].

5. Bienfaisant Agni, auteur de notre prospérité, tu es digne d’être célébré par celui qui, élevant la coupe sacrée, connaît la vertu des invocations et des prières. Agni, tu es la vie, tu es le protecteur de l’homme.

6. Agni, (dieu) sage, tu places dans la bonne voie l’homme qui s’égarait dans la mauvaise. Dans ces rencontres où le combat s’engage, où le guerrier va recueillir un heureux butin, c’est par toi que quelques hommes triomphent de la multitude.

7. Agni, tu entretiens chaque jour le mortel qui t’honore dans une espèce d’immortelle abondance ; ton sage serviteur obtient de toi le bonheur et la nourriture qu’il désire dans les deux espèces[8].

8. Agni, pour prix de nos louanges, donne au père de famille qui t’implore la gloire et la richesse ; à nos hommages nous ajouterons des hommages nouveaux. Ciel et Terre, protégez-nous, avec les autres dieux.

9. Agni, toi (qui brilles) à côté des parents qui t’ont produit[9], dieu vigilant et irrépréhensible parmi les dieux, toi qui t’es donné une forme sensible, sois-nous favorable ; accueille le sacrifice du père de famille. Toi qui possèdes la fortune, tu peux bien conférer les richesses.

10. Agni, tu es pour nous un défenseur prudent et un père ; à toi nous devons la vie, nous sommes ta famille. En toi sont les biens par centaines, par milliers. (Dieu) invincible, tu es la force des héros et le gardien des sacrifices.

11. Agni, alors que tu pris une forme humaine, pour le bien de l’humanité, les Dévas te donnèrent comme général à Nahoucha. Quand le fils de notre (premier) père naquit, ce sont eux aussi qui choisirent Ilâ pour commander aux enfants de Manou[10].

  1. Voy. lecture i, note 1, col. 2, pag. 1.
  2. Des deux pièces de l’aranî naît le feu, ce sont là les deux mères qu’on donne à Agni.
  3. Dans la nomenclature des cinq éléments, l’air est avant le feu. Je n’ai donc pu admettre le sens donné par le commentateur. Le Vent (Mâtariswan) aperçoit le feu naissant ; il vient de son souffle l’exciter, et augmenter sa force.
  4. Les anciens livres représentent Manou comme un homme pieux et ami des sacrifices. Voy. lecture i, note 2, col. 1, pag. 8. Le sacrifice du matin, auquel préside Agni, amène la naissance du Soleil, lequel éclaire et révèle le ciel à l’homme.
  5. Pouroûravas, petit-fils de Manou, est renommé, dans l’antique histoire de l’Inde, pour avoir organisé le culte du feu et pour avoir inventé l’aranî.
  6. Allusion à l’opération par laquelle on tire le feu de l’aranî.
  7. Le commentateur explique ce passage en représentant le feu âhavanîya porté à l’orient, et ensuite le feu garhapatya établi à l’occident.
  8. Il est ici question, suivant le commentateur, des bipèdes et des quadrupèdes. Ne serait-ce pas plutôt la nourriture solide et la nourriture liquide ?
  9. Comme au vers 4 de cet hymne, ce sont les deux pièces de l’aranî. On peut entendre qu’Agni brille entre le ciel et la terre, considérés comme père et mère du monde.
  10. Tout ce passage fait allusion à une légende dont les détails me sont inconnus. Il paraîtrait qu’Agni, incarné dans la famille d’Angiras, était devenu le prêtre protecteur de Manou et de ses descendants. Ilâ, fille de Manou et mère de Pouroûravas, l’eut à son service. Sous Nahoucha, petit-fils d’Ilâ, ce même Angiras exerça l’autorité et commanda les armées ; c’est l’opinion du commentateur, qui donne le mot sénâpati pour synonyme de vispati. Remarquez que le nom d’Ilâ, fille de Manou, est aussi le nom de la prière dans le sacrifice, et que la légende, sous ce rapport, pourrait bien être une allégorie ; car cette incarnation d’Agni n’est autre chose que sa naissance dans le sacrifice.