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livre deuxième

 
Je vais vous raconter, ce n’est pas médisance,
Un fait que vous pourrez redire à votre tour.

Un corbeau des plus noirs, déjà sur le retour —
C’est dire qu’il passait la moitié de la vie —
N’avait pu dominer un sentiment d’envie
À l’égard des oiseaux au plumage éclatant.
Il croyait que le sort l’avait, hélas ! fait naître
Le plus laid d’entre tous et le moins important.
Il se trompait beaucoup ; car il faut reconnaître
Qu’il n’est pas du tout laid et qu’il est le plus fin :
Mais quand l’envie aveugle elle vous rend injuste.

 Continuons enfin,
Notre corbeau rêvait, perché sur un arbuste,
 À son humble condition,
 Ne faisant pas attention
Aux chasseurs qui rôdaient avides de carnage
 Dans le voisinage.
 Non, les chasseurs des champs
 N’étaient pas si méchants
 Et je les calomnie.
Ils virent en effet le vaniteux corbeau,
 Mais poussèrent la vilenie
 Jusqu’à ne pas le trouver beau,