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fables

 
— Mon neveu, lui dit-il, inutile de feindre,
C’est fini, je m’en vais ; eh bien ! écoute un peu :
Je vois avec terreur mon étrange folie.
Que me sert, dis-le moi, d’avoir dompté mes sens,
En me privant de tout, depuis mes premiers ans ?
 Ah ! vraiment cela m’humilie.
Que me sert-il d’avoir, pour ménager mon bois,
Près du foyer éteint grelotté tant de fois ?
Que me sert-il d’avoir, par pure économie,
Marché tête et pieds nus durant les jours d’été ?
 Ah ! c’est une infamie,
 Je le confesse en vérité,
Que de se priver tant pendant si courte vie !
Et, pour me bien punir, si je tenais encor
 L’existence qui m’est ravie,
Je voudrais renoncer à voir mes pièces d’or.
Plus que cela ! Je crois que pour des pièces fausses
Je les échangerais… J’y serais bien perdant,
Va, car l’or en est pur et puis elles sont grosses…

— Cher oncle, voyez donc comme je suis prudent,
Repartit le neveu ; dans ma sollicitude
J’ai remplacé l’or pur par un autre métal
Qui ne vaut rien du tout, j’en ai la certitude.