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LA PLUS BELLE

manda-t-elle, Lucette peut-elle l’intéresser, elle qui ne connaît encore que les livres à la mode ?

Une grande fraîcheur d’impression, la gaieté, l’entrain, l’optimisme, l’originalité caractérisaient alors Lucette ; mais c’était encore une enfant. Malléable, avec une nature d’artiste, elle pourrait, pensait Aline de Villemure, gagner à cette correspondance une plus avide curiosité des choses de l’esprit. Elle s’engagerait définitivement dans la voie choisie de la vie intellectuelle. Par malheur, l’émotion semblait déjà s’y mêler. La curiosité des choses de l’esprit n’irait pas sans la curiosité de celles du cœur. Et ce jeune homme était malade.

Elle voulut connaître la nature de cette maladie. Lucette trembla d’indignation, à l’idée d’interroger Jean sur un sujet si cruel. Rencontrant un bossu, un nain, devait-on les examiner ? Elle ressentait toujours avec violence la souffrance qu’elle imaginait chez ces êtres si on les regardait. Et Jean était un infirme.

— Il m’a dit qu’il ne pouvait plus marcher. C’est tout ce que j’en sais, marraine.

L’autre, uniquement professionnelle, ne s’apercevant pas que pour une fois elle déplaisait à sa filleule, insistait :

— Cette infirmité n’est peut-être qu’accidentelle ; tu dis que c’est venu à la suite d’une chute ? Mais s’il s’y mêlait de la tuberculose, il faudrait