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LE NOM DANS LE BRONZE

baument ; la rivière, à leur droite, brille entre les arbres. Parce qu’elle a parlé de Steven, Marguerite le revoit, penché, aimant et tendre, et le souvenir des baisers qu’ils ont échangés se fait doux en elle comme un appel. Ah ! cette nostalgie du bonheur que rien ne peut éteindre…

— C’est affreux la vie, Jean, parfois…

C’est une pitié, le pli d’amertume de sa jeune bouche.

— Tu partiras pour l’Europe, ce sera moins triste.

Partir, quel allégement à sa peine ! Non, elle ne peut plus demeurer à Sorel. Comme dans toute petite ville, les épreuves deviennent la proie de tous. Avec sa douleur toute vive, Marguerite frémit à l’idée de cette publicité donnée à son sentiment ; des racontars cruels ou bien intentionnés mais choquants. Elle ne peut se résigner non plus à revoir Steven à tout instant, à feindre l’indifférence, à le rencontrer chaque jour. Il a été la gaîté, l’imprévu, l’ultime intérêt de son existence qui lui semble désormais sans attrait. Jouer au bridge, prendre le thé, s’occuper une fois par