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Page:Le Parnasse contemporain, III.djvu/378

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Je ne m’en émeus plus ni trop ne m’en étonne,
Car je sais quels débris roulent les plus purs flots ;
Et, dans un même accord, quels déchirants sanglots
Ils mêlent si souvent à leur chant monotone.

C’est la loi de tout être, et j’y cède à mon tour,
Honteuse seulement qu’à tant de fier courage
S’offrent toujours pareils l’écueil et le naufrage,
Et sans comprendre mieux qu’on survive à l’amour.

De quoi donc notre cœur est-il fait, qu’il résiste,
Qu’il saigne, et puisse encor trouver un battement
De tendresse et de joie, après ce long tourment,
Lorsqu’il se sent au fond si cruellement triste ?

Pardonner, accepter, est-ce donc moins souffrir ?
Lequel montre dans nous un plus beau privilége,
Celui qui s’abandonne au regret qui l’assiége,
Ou celui qui combat pour vaincre ou pour périr ?

Que nous vaut cependant le prix de la victoire ?
Que faisons-nous jamais de notre liberté ?
Où trouver ici-bas le calme souhaité ?
A quoi bon se défendre, hélas ! à quoi bon croire ?

Quand le vent de sa tige a détaché la fleur,
Elle suit quelque temps le torrent qui la berce ;
Sa coupe de parfums au soleil se renverse,
Et la fraîcheur de l’onde avive sa couleur.