Page:Le Tour du monde - 14.djvu/72

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avait sa chapelle, composée essentiellement d’instruments à cordes. À la musique s’alliaient les représentations théâtrales. Un corps de jeunes comédiennes jouait de petits opéras-féeries, ou exécutait des danses de caractère : les unes graves et méthodiques, exigeant l’emploi du manteau à queue, aux longues manches pendantes ; les autres, vives, légères, pleines de fantaisie, rehaussées de travestissements où l’on voyait apparaître les danseuses avec des ailes d’oiseaux ou de papillons. Les dames du daïri avaient, en outre, leurs loges grillées, non-seulement au théâtre impérial, mais au cirque des lutteurs et des boxeurs attachés à la cour des mikados en vertu d’un privilége de l’an 21 avant l’ère chrétienne. Enfin, en petit comité, à leur maison de plaisance, elles aimaient, devant la vérandah, le spectacle des combats de coqs. Ces mœurs et ces usages de la cour de Kioto se maintiennent encore de nos jours, à cette exception près qu’ils n’offrent plus le moindre vestige de vie artistique et littéraire. Ce sont les derniers témoins de la civilisation du vieil empire. Concentrés aujourd’hui sur un seul point du Japon, ils y apparaissent immobiles, comme les tombeaux des collines funéraires. Cependant tout autour de l’antique Miako, une vie nouvelle envahit les villes et les campagnes. Le taïkoun y développe le réseau des institutions civiles et militaires de sa moderne monarchie, et déjà, devant les ports de la mer intérieure, la fumée des steamers de l’Occident annonce l’avénement de la civilisation chrétienne.

Le mikado lorsqu’il était encore visible. — Dessin de Émile Bayard d’après Siebold.

Ces circonstances donnent un intérêt tragique à la situation actuelle de l’ancien empereur héréditaire et théocratique du Japon, cet invisible mikado dont on ne trouve pas même l’occasion de parler en décrivant sa