Page:Lemaître - Jean Racine, 1908.djvu/11

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

pour lui, tout de suite, le roi, la jeune cour, et la plus grande partie de sa génération. Boileau et ses amis le préfèrent, secrètement d’abord, puis publiquement, à Corneille. La Bruyère écrit en 1693 : « Quelques-uns ne souffrent pas que Corneille lui soit préféré, quelques autres qu’il lui soit égalé. » Au XVIIIe siècle, tout le monde, à la suite de Voltaire, adore Racine, le juge parfait. Vauvenargues l’appelle : « le plus beau génie que la France ait eu » . Cela dure longtemps, jusqu’aux romantiques. Ceux-ci exaltent fort justement Corneille : mais ils jugent Racine à travers l’insupportable tragédie pseudo-classique du XVIIIe siècle et de l’Empire, — qui, d’ailleurs, est plutôt cornélienne et dont Racine n’est pas responsable.

Aujourd’hui, je le répète, Racine est extrêmement en faveur. On l’aime plus que jamais, un peu par réaction contre le mensonge et l’illusion romantiques. Et en même temps, on peut dire que le romantisme, qui méconnaissait si niaisement Racine, nous a cependant aidés à le mieux comprendre et nous a incités à découvrir chez notre poète— fût-ce un peu par malice et esprit de contradiction— les choses même dont le romantisme se piquait le plus : pittoresque, vérité hardie, poésie, lyrisme.

Racine est, en effet, de ceux que l’on « découvre » toujours davantage. C’est pour cela que beaucoup ont commencé par ne le goûter que modérément, et