Page:Lemaître - Jean Racine, 1908.djvu/180

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

complication, mais continue, et intense ; Britannicus est une des tragédies de Racine qu’il vaut mieux avoir vu jouer, fût-ce médiocrement.

Laissons le jeune et fier Britannicus ; la mélancolique et comprimée Junie, plus sérieuse que son âge, et qui semble, pour Britannicus, une grande sœur autant qu’une amante ; et Burrhus, l’honnête homme circonspect, qui a bien du mal à maintenir son honnêteté parmi les concessions exigées par les nécessités d’État, mais qui la maintient tout de même ; laissons aussi Narcisse, le tentateur de Néron, aussi bon psychologue, vraiment, que Iago. Les personnages les plus étonnants, c’est encore Agrippine et Néron.

Racine les a exprimés tout entiers dans le moment où il les a saisis. Ce qu’il nous montre ici pleinement, c’est, d’une part, le caractère féminin dans le crime et l’ambition ; et c’est, d’autre part, l’action dissolvante du poison de la toute-puissance dans un jeune homme extrêmement vaniteux et qui se pique d’art.


Agrippine est une femme, belle et encore assez jeune. Je rappelle cela parce que nous nous représentons volontiers les grandes ambitieuses de l’histoire comme des créatures désexuées. C’est une erreur. Si Elisabeth, la reine vierge, fut peut-être une « virago », Catherine, lady Macbeth, et, selon toute apparence, la reine Sémiramis, sur qui j’ai