Page:Lemaître - Jean Racine, 1908.djvu/240

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bonhomme. Ils abandonnent à son jeune rival les histoires d’amour : mais pour les tragédies politiques, pour les machines romaines, il n’y a encore que Corneille ! Racine a bien fait Britannicus, mais Britannicus n’est qu’un drame privé, et n’a eu, d’ailleurs, presque aucun succès. Et alors Racine cherche… Il veut montrer que, lui aussi, il est capable de grandes vues et de belles discussions et délibérations historico-politiques. Il lui faut absolument un sujet qui comporte l’équivalent du grand dialogue d’Auguste avec Cinna et Maxime, ou de la première scène de la Mort de Pompée, ou de la grande scène entre Pompée et Sertorius dans Sertorius. Il feuillette les historiens et les compilateurs d’histoires : Florus, Plutarque, Dion Cassius, Appien, — et les chapitres de Justin où Pierre Corneille avait trouvé la situation du cinquième acte de Rodogune, et d’où Thomas Corneille avait tiré sa Laodice, ce curieux mélodrame qui fait songer tantôt à la Tour de Nesle et tantôt à Lucrèce Borgia. Et Racine finit par rencontrer ce qu’il lui faut : Mithridate, vaincu, mais irréductible, exposant son projet d’attaquer les Romains dans Rome même. La voilà, la grande scène historique, celle qui lui donnera l’occasion d’être mâle, sérieux, sévère, et d’égaler Corneille sur son propre terrain !

Et d’une autre façon encore il rivalisera avec le vieux maître, et lui fera même la leçon.— Corneille a été amoureux toute sa vie, mais