Page:Lemaître - Jean Racine, 1908.djvu/250

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mais sans doute (puisqu’il ne fait pas d’objection sur ce second point) il n’est pas si absurde ni si incroyable que la mort sanglante d’une jeune fille ait pour effet de faire souffler les vents.— Racine, un peu plus loin, explique, il est vrai, par cette autre raison, l’introduction du personnage d’Ériphile : « Ainsi, le dénouement de ma pièce est tiré du fond même de ma pièce. » Et je préfère cette raison-là.

Il n’en reste pas moins que la question agitée d’un bout à l’autre d’Iphigénie est celle-ci : « Égorgera-t-on une jeune fille pour obtenir des dieux un vent favorable ? » Et là-dessus il m’est arrivé de dire autrefois : « L’action d’Iphigénie est d’un temps où l’on faisait des sacrifices humains ; les mœurs, les sentiments et le langage sont du XVIIe siècle. Cela décidément s’accorde mal. Et cette discordance est unique dans le théâtre de Racine. Car, deux frères qui se haïssent (la Thébaïde), un homme entre deux femmes, ou l’inverse (Bajazet, Andromaque), la lutte d’une mère et d’un fils (Britannicus), deux amants qui se séparent (Bérénice), un père rival de son fils (Mithridate), même une femme amoureuse de son beau-fils (Phèdre), cela est de tous les pays et de tous les temps. Mais ce sacrifice humain ! Cela ne peut même se transposer, ni s’assimiler, par exemple, à la mise en religion d’une princesse dans un intérêt politique… J’ai beau songer cette contradiction trop forte entre l’action et le