Page:Lemaître - Jean Racine, 1908.djvu/316

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lui rendait quelque affection, et que le Mémoire ne le fâcherait pas.

Mais le roi, avec les années, s’était sans doute desséché et endurci. Puis, peut-être le Mémoire lui fut-il remis dans un mauvais moment. À coup sûr il fut remis d’une façon maladroite, et comme une chose qu’on voulait cacher. Il se peut que ce Mémoire ait réveillé chez le roi des griefs endormis. Il se dit sans doute : « Voilà bien l’esprit janséniste. Ces gens-là critiquent tout » . Racine ne peut s’être mépris tout à fait sur les causes de la bouderie du roi : or, dans la fameuse lettre à madame de Maintenon, où il déclare qu’il n’a « jamais rougi ni de Dieu ni du roi » (parole qui semblerait courtisanesque si elle n’était une parole de loyalisme amoureux), Racine, sans renier ses anciens maîtres, se défend surtout de l’accusation de jansénisme.

Enfin, et quoi qu’il en soit, le roi eut un mouvement d’humeur, dont les suites furent aggravées par la pusillanimité de madame de Maintenon. Cela ne dura pas. Il ne faut point parler de la « disgrâce » de Racine, mais d’un petit refroidissement passager de la part de Louis XIV. Néanmoins, Racine fut profondément peiné ; et, comme il souffrait alors d’une maladie de foie, on peut croire, avec Louis Racine, que son chagrin hâta le progrès du mal, et qu’il « y a grande apparence que sa trop grande sensibilité abrégea ses jours » .

Il mourut un an après, d’une mort très sainte. Dieu le consola du roi.