Page:Lemaître - Jean Racine, 1908.djvu/54

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j’y demeure ; car je vous assure qu’on y est fin et délié plus qu’en aucun lieu du monde.

Ces lettres d’Uzès, très jolies dans leur léger apprêt, semées de citations de l’Arioste et du Tasse, et aussi de Virgile, de Térence et de Cicéron, que Racine transcrit tous par cœur, ces lettres du printemps d’un poète de génie nous montrent un jeune homme d’une sensibilité très vive et d’un esprit très net, inquiet des femmes et de l’amour, amoureux de la vie et de la gloire, et qui, parmi ses inquiétudes et ses frissons, poursuit son dessein et travaille prodigieusement.

Le paysage d’Uzès, et notamment celui que Racine voyait de sa fenêtre, est, paraît-il, admirable. Vous pressentez la description qu’en pourrait faire un jeune littérateur de nos jours, après tout ce que les grands descriptifs ont écrit chez nous depuis cent cinquante ans. Ce sentiment plus profond— ou plus voulu— de la nature et cette façon plus riche de la peindre sont assurément un gain, qui le nie ? Mais que la manière exacte et sobre de nos classiques retrouve d’agrément, après tant d’orgies de couleurs et tant d’efforts trop visibles pour voir et pour peindre !

Racine écrit à Vitart, le 13 juin 1662 :

La moisson est déjà fort avancée, et elle se fait fort plaisamment au prix de la coutume de France ; car on lie les gerbes à mesure qu’on les coupe ; on ne laisse point sécher le blé sur la terre, car il n’est