Page:Lemaître - Jean Racine, 1908.djvu/58

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Et il revient sur ce point dans une lettre à Vitart, du 30 mai 1662 :

Je vous dirai une autre petite histoire assez étrange. Une jeune fille d’Uzès, qui logeait assez près de chez nous, s’empoisonna hier elle-même et prit une grosse poignée d’arsenic, pour se venger de son père qui l’avait querellée fort rudement. Elle eut le temps de se confesser et ne mourut que deux heures après. On croyait qu’elle était grosse et que la honte l’avait portée à cette furieuse résolution. Mais on l’ouvrit tout entière, et jamais fille ne fut plus fille. Telle est l’humeur des gens de ce pays : ils portent les passions au dernier excès.

C’est tout. Pas la moindre réflexion édifiante. On dirait une note prise par Stendhal. Évidemment le jeune Racine est plus intéressé par des faits de cet ordre que par les paysages où les objets pittoresques. Serait-il excessif de dire que plus tard, quand il nous montrera des amoureuses qui vont jusqu’au bout de leur passion, il se souviendra des Hermione et des Roxane à foulard rouge de ce brûlant pays d’Uzès ? Ce Racine de vingt-deux ans, — qui attend le titre d’abbé et qui n’échappe à la tonsure préalable que parce qu’il avait oublié d’apporter avec lui le « démissoire » dont il avait besoin, — ce Racine semble tout entier « en réaction » contre son éducation première. Il parle de toutes choses avec une liberté allègre :

Je ne vous prie plus, écrit-il encore à Vitart, de m’envoyer les Lettres provinciales ; on me les a