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ANTHOLOGIE DU XIXe SIÈCLE.


Un peuple qui jadis aimait les grandes choses,
Et qui n’a conservé de sa prospérité
Que des haillons de pourpre et que sa vanité.




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Je suis le Souvenir et je suis l’Espérance ;
Je promets le repos et je cherche le bruit ;
Du jour j’ai la douceur, j’en ai la transparence ;
J’ai la fraîcheur opaque et les voix de la nuit.

Le matin m’a donné sa rumeur et son trouble ;
À mes ordres le soir mit ses mourants échos ;
Comme le double accord né d’une chanson double,
Du matin et du soir je réunis les lots.

Mes sœurs m’ont reconnue à mon double visage,
Je ne suis pas la Nuit, sans être encor le Jour.
Ainsi, double à la fois et propre au double ouvrage,
Hermaphrodite est femme et garçon tour à tour.

Tandis que l’Orient s’empourpre de féeries,
Ton étoile, ô Vénus ! pâlit à l’Occident ;
Le jour qui naît s’ébat dans les plaines fleuries,
La nuit qui meurt s’éteint à l’horizon grondant.

Du choc de la lumière et de l’ombre jaillissent
Mille petits flocons roses, bruns et lilas ;
Formes d’oiseaux, de fleurs, de rochers, ils emplissent
Les jardins de l’éther, qu’ils poudrent à frimas.