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Page:Lemerre - Anthologie des poètes français du XIXème siècle, t4, 1888.djvu/224

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ANTHOLOGIE DU XIXe SIÈCLE.


PLATON




Lorsque Placon, meurtri par l’idéal géant
Qui lui crevait les yeux dans les nuits d’insomnie,
Sentait choir sa raison et faiblir son génie,
Une peur lui montait en face du Néant ;

Le problème éternel, insondable, béant,
Martyrisait Platon d’une angoisse infinie !
Et pâle il revenait aux bras de Lasthénie
Coucher son rêve vaste ainsi que l’Océan.

Les baisers de la femme endormaient sa fatigue :
À l’esprit opposer la chair — chétive digue. —
Il songeait : « Ah que n’ai-je ainsi toujours vécu ! »

Chimère ! le besoin du grand pourquoi des choses
Découvrait au penseuc des routes encor closes,
Son vrai mal eût été de s’avouer vaincu !


(Les Croyantes perdues)





NUIT D’ÉTÉ




Dédaigneux des grands mots et des tirades creuses
Que l’éphèbe gémir aux pieds des amoureuses,
Pour que les chers aveux que couve encor mon cœur,
Timidement éclos, battent de l’aile en chœur ;
Je veux un soir d’été plein d’odeurs et d’étoiles,
de la mer, devant les horizons sans voiles :