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Page:Lemerre - Anthologie des poètes français du XIXème siècle, t4, 1888.djvu/33

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PAUL BOURGET.


LA MORT





Tout ce qui doit finir est court, — a dit un sage.
Aux heures de plaisir ce mot si vrai me suit.
Je le creuse. Je sens comme le jour s’enfuit :
Il approche, l’instant que l’affreux mot présage.

Je me vois au tragique et suprême passage,
Je suis mort. Ce qui fut mon cœur s’évanouit.
Mes yeux sont obscurcis par l’éternelle nuit,
Et le drap du suaire a moulé mon visage.

Que ce soit dans un mois, que ce soit dans vingt ans,
Il n’en viendra pas moins, je le sais trop, ce temps ;
Il est déjà venu, tant les jours sont rapides !

Et devant ta présence épouvantable, ô Mort !
Trouvant les voluptés de la vie insipides,
Je songe qu’aucun but ne vaut aucun effort.


(Les Aveux)





MORTUÆ




Je n’ai gardé de toi, ma mère, douce morce,
— Oh ! si douce ! — qu’un vieux portrait où l’on te voit
Accoudée, appuyant ta tempe sur ton doigt,
Comme pour comprimer une peine trop forte.