Page:Lemerre - Anthologie des poètes français du XIXème siècle, t4, 1888.djvu/466

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
440
ANTHOLOGIE DU XIXe SIÈCLE.

Où rien ne voit encor, mais où tout semble attendre
Le fiancé, l’élu, le dieu superbe et tendre,
               Le rayonnant vainqueur
Qui séduit la nature et l’arrache à ses rêves,
Fait germer les bourgeons et bouillonner les rêves
               Et tressaillir ton jeune cœur.

Pour nous le crépuscule exquis et déjà rose,
La fraîcheur des forêts qui charme et qui repose,
Les nuages laiteux frangés d’un or vermeil,
Disparaissaient devant i’amour heureux d’éclore.
Je disais : Près de toi que m’importe l’aurore ?
Tu disais : Près de toi que me fait le soleil ?
Car l’amour a cela de sublime et d’immense,
Que tout s’abîme en lui, que tout en lui commence.
Tout ce que peut donner l’univers radieux,
Tout ce qui chante et rit, et murmure et rayonne,
Ne vaut pas ton regard doux comme un soir d’automne,
Et le ciel s’embellit du regard de tes yeux.

Ami, je crois nous voir passer sous la feuillée,
À l’aube, au fond des bois, par la route mouillée,
Gais éveilleurs de nids et frôleurs de roseaux ;
Je crois m’entendre encor te dire que je t’aime,
Avant que le soleil ne le sache, avant même
               Que ne le disent les oiseaux !





SONNET




Sous l’ogive gothique ou le jour entre à peine
Par les vitraux bleuis qu’irise le carmin,
Le moine fait gémir sur l’or du parchemin
Le supplice d’un Dieu qui vers la croix se traîne.