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JALOUSIE

faire, ainsi que son mari, un grand salut à la duchesse. Celle-ci, qui ne la reconnut pas et qui avait de ces insolences, se redressa comme offensée, et la regarda sans répondre, d’un air étonné : « — Qu’est-ce que c’est que cette personne, Basin ? » demanda-t-elle d’un air étonné, pendant que M. de Guermantes, pour réparer l’impolitesse de la duchesse, saluait la dame et serrait la main du mari. « — Mais, c’est Mme de Chaussepierre, vous avez été très impolie. » « — Je ne sais pas ce que c’est Chaussepierre. » « — Le neveu de la vieille mère Chanlivault. » « — Je ne connais rien de tout ça. Qui est la femme, pourquoi me salue-t-elle ? » « — Mais, vous ne connaissez que ça, c’est la fille de Mme de Charleval, Henriette Montmorency. » « — Ah ! mais j’ai très bien connu sa mère, elle était charmante, très spirituelle. Pourquoi a-t-elle épousé tous ces gens que je ne connais pas ? Vous dites qu’elle s’appelle Mme de Chaussepierre ? » dit-elle en épelant ce dernier mot d’un air interrogatif et comme si elle avait peur de se tromper. Le duc lui jeta un regard dur. « Cela n’est pas si ridicule que vous avez l’air de croire de s’appeler Chaussepierre ! Le vieux Chaussepierre était le frère de la Charleval déjà nommée, de Mme de Sennecour et de la vicomtesse du Merlerault. Ce sont des gens biens. » « — Ah ! assez, s’écria la Duchesse qui, comme une dompteuse, ne voulait jamais avoir l’air de se laisser intimider par les regards dévorants du fauve. Basin, vous faites ma joie. Je ne sais pas où vous avez été dénicher ces noms, mais je vous fais tous mes compliments. Si j’ignorais Chaussepierre, j’ai lu Balzac, vous n’êtes pas le seul, et j’ai même lu Labiche. J’apprécie Chanlivault, je ne hais pas Charleval, mais j’avoue que du Merlerault est le chef-d’œuvre. Du reste, avouons que Chaussepierre n’est pas mal non plus. Vous avez collectionné